Les manifestations cliniques qui suivent la piqûre des méduses sont instantanées après le contact : la douleur est intense, parfois atroce, elle irradie tout le membre atteint et elle s’accentue pendant une demie heure, parfois elle s’accompagne d’impotence fonctionnelle momentanée, créant une sensation de panique. Que faire en l’absence de moyens médicaux contre les envenimations douloureuses (paracetamol, Xylocaïne adrénalinée…) ?
« J’ai été piquée dans la mer, j’en suis sortie en criant et en hurlant de douleur, témoigne cette vacancière qui nageait sur une plage du littoral atlantique. Un barman est arrivé avec une tomate coupée en deux, qu’il a frottée sur la piqûre. Il m’a expliqué que la tomate allait aspirer le venin de la méduse. De fait, la douleur a été tout de suite soulagée. Mais j’ai gardé des marques pendant des mois, comme les traces d’une brûlure. »
Au hit-parade des remèdes dits de bonne femme contre les cnidaires qui barbottent sur le littoral et dont les douleurs urticantes gâchent la vie des estivants, la tomate semble bien placée, en effet, en compétition serrée avec l’huile d’olive, la papaïne, le vinaigre, le sucre et, en très bonne position, le pipi salvateur. Autant de stratégies qui sont surtout des techniques d’attente, dont l’efficacité médicale est pour le moins douteuse.
L’épidémiologie des envenimations marines est des plus limitées, les cas graves restant très exceptionnels au vu de l’incidence des accidents.
Selon une étude du Dr Régis Bedry (Centre anti-poisons de Bordeaux, Hôpital Pellegrin), au cours d’une saison d’été, du 1er juin au 30 septembre 1996, les données collationnées sur le littoral atlantique entre La Rochelle et la frontière espagnole, auprès des postes de secours, des hôpitaux, centres antipoisons, généralistes, dermatologues et pédiatres, font état de 2 552 agressions par animal venimeux marin, la méduse étant identifiée dans 33,8 % des cas, derrière la vive araignée (60,1 %), et loin devant l’anémone (4 %), la raie (0,2 %), la rascasse et le poulpe (0,1 % chacun). Pour la méduse, les signes observés sont une rougeur (55,4 %), une angoisse (37,5 %), un urticaire (3 %), un malaise (6 %), qui peut parfois aller jusqu’à la perte de connaissance (1,8 %).
Ce tableau ne nécessite une médicalisation qu’exceptionnellement : ce sont les postes de secours qui interviennent pour 95,4 %des situations, les généralistes n’étant sollicités que dans 3,2 % des cas, les services d’urgence hospitalières pour 0,6 %. L’enquête ne nous dira rien du marchand de fruits et légumes et du recours à la tomate de saison…
Les avis sont partagés...
Dr Philippe Quéruel (hôpital Léon Bérard de Hyères), enseignant au DU de médecine subaquatique (Nice)
« La tomate peut soulager la brûlure par son acidité. Pour la même raison, en Polynésie, on utilise le jus de citron vert. Quant à l’urine, à 37°, elle calme la douleur, le venin étant thermolabile. »
Dr Jean-Paul Poirier, dermatologue à Saint-Laurent-du-Var (Alpes maritimes), spécialiste des plaies cutanées dues aux animaux marins
« Beaucoup de bruits circulent sur l’intérêt de divers produits pour calmer la douleur après un contact avec une méduse. Pour ma part, je n’ai jamais eu de patients qui avaient eu recours à la rondelle de tomate. Évidemment, cela ne s’appuie sur aucune validation scientifique ! Ainsi pour le recours à ce classique du genre, l’urine, qui est alcaline dont déconseillée, et le vinaigre, acide, tout autant à prohiber. »
Pr François Bertrand (chef du service des urgences de l’hôpital Saint-Roch, au CHU de Nice)
« Pour la tomate, je n’étais pas au courant, sourit le médecin. Pour le pipi soi-disant salvateur, je dis : surtout pas ! Car il risque plutôt de faire éclater les nématocystes incrustés à la surface de la peau en libérant le venin dans la région lésée. De même, il ne faut surtout pas rincer à l’eau douce. »
Les trois experts s’accordent sur l’intérêt du saupoudrage avec du sable, pour former un emplâtre, puis le grattage de la lésion urticante avec un carton rigide ou une carte de crédit. Et plutôt que la tomate, on pourra appliquer la levure de boulanger à l’état pâteux (Burnett J.W, Rubinstein H, Calton G.J : First aid for jellyfish envenomation, South Med J, 1983, 76 (7), 870-2 ). Attention en tout cas à l’utilisation de la chaleur.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature