De notre correspondante
à New York
« Nos résultats étayent non seulement l'hypothèse selon laquelle les différences de tempérament sont liées à des différences dans la fonction de l'amygdale, ce que la technologie antérieure ne pouvait prouver, mais ils montrent aussi que l'empreinte des différences de tempérament, observée lorsque les personnes sont jeunes, persiste et peut être mesurée lorsqu'ils deviennent plus âgés et atteignent l'âge adulte », déclare dans un communiqué le Dr Carl Schwartz (Massachusetts General Hospital, Charlestown).
Le « tempérament », en termes psychologiques, fait référence à un profil d'humeur et de comportement observé dans la petite enfance. ll est contrôlé en partie par des facteurs génétiques.
La réponse à la nouveauté
L'une des mesures les plus étudiées du tempérament est la façon dont un enfant répond typiquement à la nouveauté, qu'elle se manifeste sous la forme de personnes, d'objets ou de situations. Cette dimension du tempérament est décrite en termes de timidité opposée à sociabilité (ou prudence/audace, ou retrait/approche).
Les deux extrêmes de cette mesure définissent des catégories d'enfants dits « inhibés » et « non-inhibés ». Cette définition fut introduite il y a vingt ans par un professeur de psychologie d'Harvard, Jérôme Kagan, qui cosigne la nouvelle étude publiée aujourd'hui dans « Science ». Les enfants « inhibés » sont timides et évitent tout ce qui est nouveau, tandis que les enfants « non inhibés » s'approchent volontiers des choses nouvelles.
Cette nouvelle étude est en fait le troisième volet d'un travail au long cours commencé il y a vingt ans par Kagan et coll. sur un grand groupe d'enfants.
Ces enfants étudiés à l'âge de 2 ans ont été classés en « inhibés » et « non-inhibés » ; ces différences de comportement s'accompagnaient de différences physiologiques (fréquence cardiaque, dilatation pupillaire durant une épreuve cognitive, et taux salivaire du cortisol).
Un deuxième examen de ces enfants à l'âge de 13 ans a montré que les traits comportementaux et physiologiques de ces deux catégories de tempérament restent relativement stables de la petite enfance à l'adolescence.
L'hypothèse a été émise que les traits de ces deux catégories de tempérament pourraient être dus, en partie, à des réponses différentes de l'amygdale à tout ce qui est nouveau.
IRM fonctionnelle
Cette région du cerveau répond en effet aux événements qui demandent une extravigilance.
Schwartz et coll. ont maintenant testé cette hypothèse en examinant par IRM (imagerie à résonance magnétique) fonctionnelle l'activité de l'amygdale chez un sous-groupe de 22 participants ayant atteint l'âge de 21 ans. Pendant l'IRMf, les participants regardaient des visages neutres (expression ou émotion), déjà aperçus dans une première phase, ou nouveaux.
Alors qu'il est normal d'avoir une réponse accrue de l'amygdale devant des visages inconnus, les adultes classés « inhibés » à l'âge de 2 ans présentent une réponse nettement plus accrue devant les visages nouveaux que les participants « non inhibés ». Ces résultats, qui étayent donc l'hypothèse de départ, doivent maintenant être confirmés dans une étude plus large, ce que l'équipe espère pouvoir faire à l'avenir. De plus, si les chercheurs supposent que ces différences cérébrales existent depuis l'enfance, cette hypothèse doit être testée directement chez les enfants.
L'interprétation des études d'imagerie en psychiatrie
Ces résultats pourraient avoir un certain nombre d'implications cliniques. Ils pourraient compliquer l'interprétation des études d'imagerie en psychiatrie. « De nombreuses études d'imagerie ont comparé des patients affectés de troubles anxieux, comme les attaques de panique ou la phobie sociale, à des témoins normaux, et ont découvert une activité accrue de l'amygdale », note le Dr Schwartz. Ces différences d'activité cérébrale, traditionnellement interprétées comme des marqueurs de maladie psychiatrique, devraient plutôt être considérés, d'après les résultats actuels, comme reflétant des facteurs de risques liés au tempérament et persistants depuis l'enfance.
« Ces résultats pourraient refléter une différence de vulnérabilité qui peut être compensée ou exacerbée par l'environnement et l'expérience », observe le Dr Scott Rauch (MGH), autre membre de l'équipe. Certaines études ont suggéré que le tempérament inhibé dans l'enfance pourrait être un facteur de risque pour développer plus tard à l'adolescence un trouble anxieux (en particulier une phobie sociale), lequel est précurseur de dépression à l'âge adulte. Ces nouveaux résultats pourraient peut-être aboutir à de meilleures interventions précoces.
« Science » du 20 juin 2003, p. 1952.
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