Physiologie
•La mère
La grossesse augmente l'activité de la thyroïde maternelle. La synthèse hépatique de la TBG (Thyroxin Binding Globulin) est stimulée par les estrogènes. Comme la thyroxine (T4) se lie à la TBG, pour que le taux de T4 libre reste constant, la synthèse de T4 augmente sous l'effet de la hCG.
La hCG, qui est une hormone produite par le placenta, est très proche de la TSH. Elle est capable de stimuler le récepteur de la TSH. Dans certaines circonstances, la stimulation est excessive et peut aboutir à une hyperthyroïdie transitoire appelée « thyrotoxicose gestationnelle », qui régresse habituellement en deuxième partie de grossesse.
Le placenta catabolise les hormones thyroïdiennes grâce à des enzymes spécifiques, les deidases de type II et III. Le placenta dégrade entièrement la T3L et arrête la TBG, la T4 totale, la T3 totale. La production maternelle thyroïdienne doit alors augmenter.
•Le foetus
Les vésicules embryonnaires sont présentes à la 10e semaine de vie mais la thyroïde n'est fonctionnelle qu'à la 18e semaine. Il existe un passage transplacentaire de la T4 maternelle, qui est convertie localement en T3 par la deidase de type II. Cette activité est indispensable au développement neurosensoriel du foetus.
•Rôle de l'environnement iodé
L'iode est le substrat des hormones thyroïdiennes. Quand l'apport iodé est suffisant, la thyroïde maternelle s'adapte et produit suffisamment d'hormones pour couvrir les besoins de la mère et du foetus. L'OMS recommande un apport iodé maternel de 250 µg/j. Comme l'apport alimentaire moyen en France est de l'ordre de 100 µg/j, un apport supplémentaire est nécessaire. Deux éléments cliniques justifient la substitution iodée.
La carence iodée entraîne une synthèse préférentielle de T3 par la mère, au détriment de la T4. Si la mère reste en euthyroïdie avec une TSH normale, la carence en T4L provoque une atteinte des fonctions supérieures chez le foetus. Dans les pays très carencés, il s'agit du « crétinisme » ou, en cas de carence modérée, d'une simple diminution des performances intellectuelles ou neurosensorielles. La carence iodée entraîne aussi un goitre chez la mère et le foetus.
Pathologie
Les pathologies thyroïdiennes sont fréquentes pendant la grossesse. Des goitres peuvent s'aggraver ou se former, des dysthyroïdies peuvent apparaître.
•Les hyperthyroïdies
On retrouve deux causes d'hyperthyroïdie au cours de la grossesse : la thyrotoxicose gestationnelle et la maladie de Basedow.
La thyrotoxicose gestationnelle est due à l'effet stimulant de l'hCG produite en quantité excessive. Elle se manifeste par des signes de thyrotoxicose chez la femme enceinte, qui présente par ailleurs des vomissements gravidiques, autre effet de l'hCG. Il n'y a jamais d'orbitopathie, les anticorps sont absents. Le plus souvent, il n'est pas nécessaire de traiter.
•La maladie de Basedow
Il existe deux risques principaux liés au passage transplacentaire : le Basedow foetal dû aux anticorps stimulant le récepteur de la TSH et l'hypothyroïdie foetale due aux antithyroïdiens de synthèse (ATS). Quand la maladie est en rémission après traitement par iode 131 ou thyroïdectomie, les anticorps peuvent persister. C'est pourquoi il est nécessaire de les rechercher et de surveiller le foetus si besoin.
Si la maladie est active, il y a un risque de fausse couche, de placenta praevia, d'éclampsie, de prématurité. Il est alors nécessaire de traiter. Le propylthiouracyle est préféré au carbimazole. En revanche, le passage transplacentaire des deux médicaments est identique. On prescrit la dose minimale qui permet de maintenir la mère à la limite de l'hyperthyroïdie. Il existe souvent une rémission spontanée en deuxième partie de grossesse. À partir de la 18e semaine, il faut surveiller la thyroïde du foetus si les anticorps sont présents et/ou si les ATS sont utilisés. L'échographie thyroïdienne foetale permet de dépister un goitre. Dans ce cas, des nuances permettent d'orienter vers une hyper- ou une hypothyroïdie. Une ponction de sang de cordon peut se révéler nécessaire. Il faut savoir qu'après la grossesse il existe un risque d'exacerbation de l'hyperthyroïdie.
•Les hypothyroïdies
Les hypothyroïdies endogènes sont d'origines variées, habituellement auto-immunes. Il faut, dès que la grossesse est connue ou, mieux, avant, augmenter la posologie du traitement substitutif de près de 50 % pour obtenir une TSH inférieure à 2,50 mU/l.
•Les thyroïdites
Les thyroïdites auto-immunes sont fréquentes après l'accouchement (thyroïdites du post partum). Elles se manifestent par une hyperthyroïdie transitoire et/ou une hypothyroïdie transitoire ou définitive. Elles peuvent récidiver après chaque grossesse, surtout en cas de maladie auto-immune (diabète de type 1).
Il existe des relations entre la présence d'anticorps antiperoxydase et les fausses couches à répétition. Un traitement préventif par thyroxine, même en l'absence d'hypothyroïdie, pourrait prévenir les fausses couches.
Entretiens de Bichat. Communication de Pr Duron F., service d'endocrinologie, hôpital Saint-Antoine.
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