Né en 1796 à Dublin, Robert James Graves fait ses études de médecine au Trinity College. Diplômé en 1818, à 22 ans, et nanti d'une médaille d'or, il entame un grand tour d'Europe qui le conduit à Londres, Gottingen, Berlin, Copenhague et Edimbourg.
En Allemagne, il est grandement influencé par les méthodes d'enseignement clinique.
En Italie, ensuite, il se lie d'amitié avec un artiste de vingt ans son aîné, avec lequel il voyage de Florence à Rome, pinceaux et toiles à la main. Cela dit, il faut à Graves plusieurs mois pour découvrir que ce compagnon de route et de peinture n'était autre que Joseph Mallord William Turner.
Graves est décrit comme dynamique et extraverti. Stokes raconte à son propos une extraordinaire aventure en mer, entre Gênes et la Sicile. Durant un violent orage, Graves fut tiré de son sommeil par l'unique autre passager : les voiles sont arrachées, les pompes ne fonctionnent plus et l'équipage quitte le navire, les laissant là tous les deux. Armé d'une hache qu'il dissimule sous sa cape, Graves avertit le capitaine : le canot de sauvetage qu'ils sont en train de détacher ne résistera pas à l'orage. Rabroué, Graves détruit le canot avec sa hache, s'empare du commandement et, à l'aide de ses lacets en cuir, répare les valves des pompes. Selon Stokes, « Les membres de l'équipage retournèrent à leur poste, la voie d'eau fut maîtrisée et le vaisseau fut sauvé. »
Enseignant et clinicien
En 1821, Graves retourne à Dublin et se fait embaucher au Meath Hospital. Pendant les quinze ans qui suivent, il montre d'exceptionnelles qualités d'enseignant et de clinicien. A l'hôpital, ses journées commencent à 7 heures du matin, par la visite qu'il fait à la lueur d'une chandelle. A 16 heures de l'après-midi, cent étudiants assistent à son enseignement au lit du malade.
Ses centres d'intérêt clinique sont divers, mais il se passionne préférentiellement pour les maladies infectieuses et les fièvres. Au point qu'il emmène bravement un groupe de médecins sur les lieux mêmes d'une épidémie de typhus dans l'ouest de l'Irlande. Il recommande des modifications dans la prise en charge de la tuberculose, notamment le bon air et la suralimentation. De sorte qu'il suggère que son épitaphe pourrait être : « Il a nourri les fièvres ».
De nombreuses publications
En 1824, Graves est cofondateur de la Park Street School of Medicine. Il fait de nombreuses observations originales et est probablement le premier à décrire les manifestations du syndrome de Raynaud. Il publie beaucoup et, en 1843, écrit un traité de médecine clinique (« A System of Clinical Medicine »). La seconde édition, en 1848, est traduite en français, en allemand, en italien, et est diffusée aux Etats-Unis.
Trois mariages et deux veuvages
La vie privée de Graves n'est pas aussi heureuse que sa vie professionnelle. Il se marie une première fois peu après son retour à Dublin en 1821. Malheureusement, sa femme Mathilda Jane et leur fille meurent en 1825. Un an plus tard, il se remarie mais l'année suivante, sa nouvelle épouse, Sarah Jane et leur bébé meurent à leur tour. Troisièmes noces, en 1830 : son épouse, Ann Grogan, lui donne six enfants. Une ombre au tableau : elle est très ambitieuse.
Graves s'immerge dans son travail et est nommé professeur à l'institut de médecine du Trinity College de Dublin, poste qu'il occupe jusqu'en 1841. En 1843, il est nommé président du Royal College of Physicians de Dublin. A la fin de ce mandat, il devient, selon certains, dépressif. Il meurt le 20 mars 1853 d'une tumeur abdominale.
L'âge d'or de la médecine irlandaise
La brillante carrière a contribué à ce qui est souvent appelé l'âge d'or de la médecine irlandaise. Une époque qui comporte des noms souvent familiers au corps médical : Stokes, Adams, Cheyne, Todd, Colles, Corrigan, ainsi que Sir William Wilde, ORL et père d'Oscar Wilde.
Les publications de Graves font partie des plus respectées, comme l'ont admis Trousseau et Osler. Un de ces articles, « Newly observed affection of the thyroid gland in females » (Une nouvelle affection de la glande thyroïde chez la femme), est publié dans le « London Medical and Surgical Journal » en 1853. Graves y détaille les manifestations cliniques de ce qui est maintenant connu sous le nom de maladie de Graves par les Anglo-Saxons (et de maladie de Basedow par les Français), même si la première description clinique, qui date de 1825, est signée Caleb Hillier Parry. Paradoxe : c'est par cette maladie que le nom de Graves a traversé les années, alors que c'est celle sur laquelle il a probablement le moins travaillé.
Joseph McKenna, St Vincent's University Hospital, Dublin. « Lancet » du 2 juin 2001, pp. 1793-1795.
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