ET SI LA THÉRAPIE génique profitait aussi aux patients atteints de maladies virales ? Une équipe de chercheurs américains a décidé d'explorer cette piste en mettant au point une nouvelle stratégie thérapeutique destinée aux personnes infectées par le VIH. Le concept est osé : rendre les malades résistants à l'infection en mutant leur gène codant pour le corécepteur CCR5, une protéine quasi indispensable à l'entrée du VIH dans les lymphocytes T.
Lorsqu'on pense thérapie génique, on évoque a priori des techniques qui permettent de rétablir l'expression d'un gène muté. Carl Jun et coll. ont décidé de faire l'inverse pour reproduire une situation rare, mais bien décrite, celle des sujets naturellement résistants au VIH en raison d'une mutation de leur gène CCR5.
Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé une technique qui pour beaucoup représente l'avenir de la thérapie génique : la chirurgie du génome.
Le gène muté reste présent dans le génome.
Si différentes stratégies de thérapie génique sont en cours de développement, la plus utilisée reste celle qui consiste à apporter une copie fonctionnelle du gène altéré responsable de la pathologie à traiter. Cette stratégie a pourtant un gros défaut, elle n'est pas « propre » : le gène muté reste présent dans le génome des cellules traitées et le gène médicament introduit risque de s'insérer à un endroit inapproprié du génome. Ces événements d'insertion aléatoire créent parfois plus de mal que de bénéfice. Par ailleurs, cette méthode ne pouvait pas servir à Jun et son équipe puisqu'elle ne permet pas d'empêcher l'expression d'un gène normal.
Une thérapie génique « propre » passe par la réparation de la mutation présente dans le génome des malades, ou par le remplacement du gène muté par une copie fonctionnelle. Elle nécessite des outils qui permettent d'ôter la mutation ou le gène responsable de la maladie et de les remplacer par un segment d'ADN approprié. On parle de chirurgie du génome car, concrètement, il s'agit de couper l'ADN pathologique puis de le remplacer par de l'ADN normal.
Pour y parvenir, les outils les plus prometteurs sont les méganucléases, des enzymes capables de couper l'ADN à un site très précis du génome, choisi par l'expérimentateur. Une fois l'ADN coupé, un processus naturel de réparation se met en route dans les cellules. La machinerie de réparation de l'ADN va chercher par tous les moyens à reconstituer le chromosome coupé en deux. Dans le pire des cas, elle va tout simplement abouter les deux morceaux, au risque qu'une mutation apparaisse à la jonction.
C'est sur ce phénomène que Jun et coll. ont fondé leur stratégie. Les chercheurs ont utilisé une nucléase capable de couper le génome humain de manière spécifique au niveau du gène CCR5. Cette coupure et sa réparation conduisent à l'apparition de mutations qui rendent le gène non fonctionnel.
L'équipe américaine a utilisé cette nucléase pour modifier le génome de lymphocytes T humains. In vitro, les cellules traitées se sont avérées significativement plus résistantes à l'infection par le VIH, comme attendu.
Les chercheurs ont ensuite transféré les lymphocytes T humains mutés dans l'organisme de souris infectées par le VIH. La xénogreffe a entraîné une diminution de la charge virale des animaux, ainsi qu'une augmentation de leur compte de lymphocytes T CD4+.
Cette stratégie pourra-t-elle un jour déboucher sur une réalité clinique ? Dans ce cas précis, peut-être pas. Les approches pharmacologiques visant à bloquer le corécepteur CCR5 paraissent au final plus simples à mettre en oeuvre.
L'utilisation des méganucléases.
Ces travaux prouvent néanmoins que la thérapie génique par chirurgie du génome est en passe de devenir une réalité. De nombreux laboratoires développent actuellement des protocoles de réparation des mutations responsables de pathologies monogéniques en se fondant sur l'utilisation des méganucléases. La méthode consiste à associer une méganucléase ciblant une mutation à un fragment d'ADN sain qui sera utilisé par la machinerie de réparation cellulaire pour réparer la cassure induite par la nucléase.
Les premiers résultats de ces expériences sont attendus avec impatience.
E. Perez et coll., « Nature Biotechnology », édition en ligne avancée
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