DE NOTRE CORRESPONDANTE
LES CHIMIOTHÉRAPIES anticancéreuses conventionnelles agissent en attaquant les cellules cancéreuses qui se divisent beaucoup plus rapidement que la plupart des autres. Malgré l'efficacité initiale de ces traitements, bon nombre de cancers récidivent au bout d'un certain temps.
Pour expliquer ces rechutes, une hypothèse, encore controversée mais porteuse d'espoirs thérapeutiques, est que les cancers seraient issus de cellules souches cancéreuses résistantes à la chimiothérapie. En temps normal, ces cellules souches cancéreuses ne se diviseraient pas ou peu, ce qui leur permettrait de résister à la chimiothérapie. Toutefois, à l'occasion d'une activation, elles seraient capables de donner naissance à de nombreuses cellules filles au potentiel prolifératif élevé.
Une fraction minime de cellules épargnée.
Ainsi, si la majeure partie de la tumeur est détruite par la chimiothérapie cytotoxique, la cible la plus importante, une fraction minime de cellules cancéreuses oncogéniques et résistantes, serait épargnée, ce qui permettrait à la tumeur de récidiver.
Cette récidive tumorale à partir d'une sous-population intrinsèquement résistante à la chimiothérapie est « la théorie du pissenlit », en comparaison avec une pelouse envahie de pissenlits qui repoussent si les racines ne sont pas arrachées.
Une équipe du Baylor College of Medicine (Houston, Etats-Unis), dirigée par le Dr Jenny Chang, apporte une nouvelle preuve à l'appui de cette théorie dans le « Journal of the National Cancer Institute ».
Récemment, plusieurs groupes ont pu identifier une sous-population de cellules du cancer du sein au potentiel oncogénique élevé (formant des mammosphères in vitro, et des tumeurs après xénogreffe chez des souris). Ces cellules, qui expriment des marqueurs spécifiques (CD44, mais pas ou peu de CD24), ont été appelées cellules souches cancéreuses.
De plus, il a été montré récemment que le signal du récepteur de facteur de croissance épidermique (EGFR) pourrait être requis pour l'autorenouvellement du cancer et que ceux qui sont positifs pour le récepteur HER2 pourraient avoir une capacité d'autorenouvellement accrue.
Pour tester « la théorie du pissenlit », Chang et son équipe ont comparé des biopsies de cancer du sein (localement avancé) avant et après chimiothérapie préopératoire (31 patientes HER2-négatif), ou thérapie préopératoire par lapatinib, un inhibiteur des voies EGFR/HER2 (21 patientes HER2-positif).
Le lapatinib.
La chimiothérapie a augmenté la fraction des cellules CD44+/CD24- ou faible (de 4,7 % initialement à 13,6 % après douze semaines de traitement) et la formation des mammosphères in vitro ; tandis que le lapatinib a abaissé de façon non significative cette sous-population (de 10 % à 7,5 %) et la formation des mammosphères.
«A l'opposé, avec la chimiothérapie conventionnelle, la proportion relative des cellules souches ne s'est pas élevée après le lapatinib, explique dans un communiqué le Dr Chang. Cela signifie que les cellules souches ont été détruites avec la même fréquence que le gros de la tumeur. C'est la première fois que cela a été démontré.».
Ces résultats sont encourageants et ils suggèrent que l'inhibition des voies régulatrices responsables de l'autorenouvellement pourrait, en association avec la chimiothérapie conventionnelle, majorer l'efficacité et améliorer la survie.
« Découvrir des médicaments qui agissent spécifiquement contre ces cellules souches cancéreuses est une voie d'avenir », selon le Dr Michael Lewis, membre de l'équipe. Il envisage de caractériser les marqueurs spécifiques des cellules souches du cancer du sein, et de les inhiber un par un.
«Il ne suffit pas de couper les fleurs et les queues de pissenlit qui apparaissent au-dessus du sol, il faut aussi détruire les racines en profondeur, souligne- t-il. Une raison pour laquelle souvent la chimiothérapie ne marche pas est que l'on détruit le gros de la tumeur, mais qu'on laisse derrière de nombreuses cellules souches cancéreuses mammaires, à partir desquelles la tumeur peut récidiver.Ces cellules, de par leur nature, apparaissent résistantes aux effets des chimiothérapies cytotoxiques.»
« Journal of the National Cancer Institute », 30 avril 2008.
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