JE M’AUTOMÉDIQUE, tu t’automédiques, il s’automédique. En 2000, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a donné sa définition d’une pratique plus que répandue : «L’automédication responsable consiste pour les individus à soigner leurs maladies grâce à des médicaments autorisés, accessibles sans ordonnance, sûrs et efficaces dans les conditions d’utilisation indiquées.»
Pour l’OMS, l’automédication ne saurait être irresponsable. Pour l’Afipa non plus. L’Agence française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (de ses objectifs découlent son nom) milite pour le développement d’une automédication res-pon-sable. «L’automédication a ses limites, convient Magali Flachaire, déléguée générale de l’Afipa. Il ne s’agit pas de faire de l’automédication à tout crin.»
Source potentielle d’inégalités.
En France, une enquête réalisée par TNS Santé pour l’Afipa en 2001 montre que la pratique est majoritaire : 80 % des personnes interrogées déclarent se soigner seules pour des problèmes bénins ; 87 % disent avoir recours au médicament, mais les produits alimentaires sont aussi un recours (62 %), tout comme les « remèdes de grand-mère » (41 %). L’homéopathie est utilisée par 32 % des sondés, la phytothérapie par 23 % et l’aromathérapie par 10 %.
Pour le Dr Alain Libert, vice-président de MG-France, c’est «un problème que l’on ne peut négliger» et qui «pose énormément de questions: comment le patient envisage-t-il l’automédication? Avec quel type de médicaments? Cette pratique n’est pas contrôlée. Elle est laissée éventuellement à la libre appréciation des pharmaciens, mais peut impliquer des retards au diagnostic, à la prise en charge, le risque d’utiliser des médicaments trop lourds».
Les vagues de déremboursements n’ont fait qu’accentuer le problème, remarque le Dr Libert. Dont le problème de la responsabilité professionnelle. «Un encadrement est nécessaire, dans deux directions. D’abord l’éducation sanitaire de la population. Cela entre tout à fait dans le rôle des généralistes. Mais à condition qu’il y ait un forfait. Le paiement à l’acte ne suffira pas. Et puis il faut améliorer la coordination entre les acteurs de santé primaire afin de définir en commun les limites de cette pratique, pour que personne ne prenne de risque inutile. Ce qui passe sûrement par des formations interprofessionnelles.»
Le Dr Michel Combier, président de l’Unof (branche généraliste de la Csmf, Confédération des syndicats médicaux français), estime pour sa part que l’automédication est source potentielle d’inégalités. «Financière et intellectuelle, car tout un chacun n’est pas apte à interpréter une posologie.»
Supermarchés à l’américaine.
Le sens même du terme fait débat. «Surtout depuis qu’il a été associé au déremboursement de certains médicaments, lui-même entouré d’une communication négative, notamment avec la notion de SMR (service médical rendu) insuffisant», regrette Magali Flachaire. L’Afipa espère une «volonté politique», suivie de mesures concrètes qui «ouvriraient le marché et favoriseraient l’innovation».
Des mesures qui, notamment, faciliteraient la publicité pour les médicaments non remboursés. Ce qui hérisse le poil de certaines associations d’usagers. «Comment imaginer qu’après que l’on a affirmé et regretté que les Français aient un trop haut niveau de consommation de médicaments, ceux-ci, quel que soit le service médical rendu, soient soudainement promus comme un bien de consommation courante etsoumis à la promotion publicitaire au détriment de toute précaution de santé publique?», s’interroge le Ciss (Collectif interassociatif sur la santé). «Nos pharmacies, qui ressemblent déjà à des épiceries, vont-elles devenir des supermarchés à l’américaine?», insiste le vice-président du collectif, Christian Saout (par ailleurs président d’Aides et nouveau président de la Conférence nationale de santé).
Le Ciss a participé au groupe de travail mis en place par le gouvernement il y a quelques mois sur l’automédication. Pour ensuite s’en retirer, en jugeant que l’affaire était «bouclée d’avance». «Il nous semble que le dossier a été réglé par un simulacre de participation. J’ai bien le sentiment que, finalement, on a cherché à redonner à l’industrie ce qu’on lui avait pris. C’est un phénomène de compensation.» Pour le moment, chacun tire la couverture à soi. Une troisième vague de déremboursements dépend des réévaluations de la HAS (Haute Autorité de santé). Le débat sur l’automédication a de l’avenir.
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