«LES TESTS GÉNÉTIQUES pourraient facilement conduire à des renvois injustifiés ou des refus d'embauche», affirme Manuela Tomei, l'auteur du rapport du BIT, qui dresse un panorama mondial des progrès réalisés dans la lutte contre les diverses formes de discrimination au cours des quatre dernières années. «Prendre une décision d'embauche en se fondant sur la probabilité qu'un individu serait prédisposé à développer une maladie plutôt que sur sa capacité avérée à faire son travail est discriminatoire.» Dans son rapport intitulé « L'égalité au travail : relever les défis », Manuela Tomei recense plusieurs incidents, dont celui d'une enseignante allemande, en 2004, à qui a été refusé un emploi permanent sur la base d'un examen médical. Cet examen, obligatoire pour tout candidat à la fonction publique allemande, indiquait que certains des parents de la jeune femme avaient eu la maladie de Huntington. «Les autorités ont rejeté sa candidature sur la base d'une simple prédiction et ont donc fait peser sur elle seule tout le poids du risque», a regretté le Pr Spiritos Simitis, président du conseil national d'éthique d'Allemagne. Depuis, l'enseignante a contesté avec succès la décision des autorités éducatives d'Essen devant le tribunal administratif de Darmstadt.
Toutefois, le cas allemand n'est pas unique. En 2001, la Commission américaine pour l'égalité des chances en matière d'emploi (Eeoc) a révélé que l'entreprise de chemins de fer Burlington Northern Santa Fe avait secrètement soumis ses employés à des tests clandestins de recherche d'un marqueur génétique lié au syndrome du canal carpien. En 2000, trois hommes ont obtenu des dédommagements du tribunal de Hong Kong, en Chine, parce que le gouvernement avait refusé leur embauche sous le prétexte que leurs parents étaient atteints de schizophrénie.
Les veilles législatives.
Plusieurs Etats membres de l'Union européenne, dont la France, la Suède, la Finlande et le Danemark, ont introduit une législation prohibant les discriminations génétiques. D'autres pays, notamment l'Autriche, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Grèce et l'Italie ont interdit ou restreint le recueil de données génétiques sur les employés sans leur consentement explicite. Aux Etats-Unis, le Sénat a voté à l'unanimité la loi sur la non-discrimination relative aux informations génétiques en 2005 qui interdit l'usage inapproprié de données génétiques dans les domaines de l'assurance santé et de l'emploi.
Employeurs et syndicats s'emparent également du sujet. IBM est, par exemple, la première grande entreprise à avoir révisé sa politique de prévention de l'utilisation des données génétiques pour la prise de décision en matière de personnel et pour déterminer l'éligibilité des employés à la mutuelle ou au plan retraite. «Alors que le débat reste ouvert pour savoir s'il existe des raisons objectives pour exclure ou traiter moins favorablement un individu en raison de ses gènes, tout traitement différencié doit être objectif, raisonnable, approprié etproportionné», précise Manuela Tomei. «Un des aspects clés du principe de non-discrimination et d'égalité au travail est que toutes les décisions d'embauche doivent être fondées sur la capacité d'une personne à exercer ou non un travail.»
Le rapport est disponible sur ilo.org/declaration.
Fumeurs et obèses aussi
Dans son rapport, le BIT signale une autre forme de nouvelle discrimination, celle «fondée sur le mode de vie». Dans les pays industrialisés, les fumeurs et les obèses commencent à en être victimes. Ainsi, en décembre 2005, l'OMS, à Genève, annonçait qu'elle ne recruterait plus de fumeurs. En Nouvelle-Zélande, les autorités ont déclaré l'an dernier que les entreprises refusant d'embaucher des fumeurs n'étaient pas dans l'illégalité car la loi ne reconnaît pas le fait de fumer comme un motif de discrimination. Aux Etats-Unis, beaucoup d'entreprises n'embauchent pas de fumeurs ou pénalisent les anciens fumeurs en exigeant qu'ils versent davantage pour l'assurance-maladie. Pour sa part, le BIT admet que le fait de fumer «pourrait constituer un motif valable de licenciement si cela nuit aux collègues de travail ou à d'autres personnes». Mais, hormis ces cas, licencier un salarié parce qu'il fume en dehors de son travail «représente une atteinte indue à la vie privée».
Quant aux personnes en surcharge pondérale ou dont le taux de cholestérol est élevé, des informations en provenance également des Etats-Unis montrent qu' «il n'est pas rare qu'ils fassent l'objet d'un traitement défavorable».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature