EN PHASE avec la future loi Santé, patients et territoire, la télémédecine se conçoit de plus en plus comme un outil d'aménagement du territoire. Lors de la journée de l'ANTEL, le Pr Marc Raucoules-Aimé (CHU de Nice), a illustré, à partir de l'expérience menée depuis trois ans dans les Alpes-Maritimes, l'étroite imbrication des considérations proprement sanitaires, avec les réalités de la géographie physique, économique et humaine.
Sur le plan physique, donc, le haut et moyen pays niçois est constitué de vallées orientées nord-sud, parfois isolées par la neige en hiver, et qui, en toutes saisons, ne peuvent communiquer entre elles que via la bande littorale. La population résidente est vieillissante, et son rajeunissement tient principalement à la migration de familles jeunes, chassées de la côte par le prix des logements. Cette population qui migre vers l'arrière-pays, est généralement très peu formée.
Sur le plan médical, enfin, la prise en charge locale de la population est assurée par douze établissements de santé (sept hôpitaux ruraux et cinq maisons de retraite), dont on note qu'ils représentent une activité économique importante. À cela s'ajoutent les médecins généralistes, que l'on peut considérer comme suffisamment nombreux (un praticien/1 000 habitants), mais dont la moyenne d'âge, 52 ans, va imposer le renouvellement à relativement brève échéance.
23 sites.
Partant de ce constat, il faut commencer par écarter la fausse bonne solution : l'amélioration du réseau routier. Il a en effet été démontré que cette mesure tend in fine à appauvrir les villages, en défavorisant la micro-économie locale. Pour pallier les difficultés de déplacement, il ne reste donc que la télémédecine, dont le développement a été décidé par le conseil général.
Concrètement, depuis trois ans, des maisons de santé rurales ont été équipées en matériel d'imagerie. Le réseau de télémédecine a été étendu à 23 sites qui communiquent grâce à une bande satellitaire dédiée, achetée par le conseil général. On note au passage que le choix du satellite est liée à la présence de la société Thalès à Cannes.
Un serveur a également été acquis pour transmettre les images radiologiques et dermatologiques. Des cabinets médicaux ont été équipés en valise de télémédecine. Enfin, des systèmes de télévigilance commencent à être installés au domicile de patients, pour faire remonter des alarmes en cas d'anomalies de paramètres physiologiques (TA, pO2, ECG...).
Ce dispositif est d'une évidente utilité pour l'aide au diagnostic et aux soins, que ce soit au domicile des patients ou dans les hôpitaux ruraux. Ses applications vont toutefois au-delà. En direction des médecins, il permet en effet de multiplier les actions de FMC, d'EPP, de formation de médecins référents de SAMU, etc., afin de maintenir et de recruter des praticiens exerçant en zone rurale. Il permet également d'aider les hôpitaux locaux, par la formation de personnel soignant, et le soutien aux médecins coordonnateurs, souvent très isolés. Enfin, il s'adresse à la population elle-même, qui exprime une forte demande de services.
En la matière, la télémedecine ouvre de nombreuses possibilités. Les plus connues sont la réduction du temps d'hospitalisation, grâce à l'organisation d'une convalescence à domicile, et le maintien chez eux des malades chroniques. Mais des actions d'information du public sur le tabac, les risques cardio-vasculaires, ou la violence ont également été lancées dans les Alpes-Maritimes.
S'il est trop tôt pour tirer un bilan de la télémédecine dans ce département, un chiffre vient tout de même en illustrer l'importance sociale. Avec la Croix-Rouge, des formations d'infirmières puéricultrices ont été mises en place, recrutant essentiellement parmi les jeunes femmes remontées depuis la côte dans l'arrière-pays, et qu'il fallait fixer sur place. Six cents heures d'enseignement à distance ont été dispensées dans des hôpitaux locaux, avec regroupement à mi-hauteur des vallées pour les séances de TP. Le bilan de cette action est au moins celui-ci : trois communes ont pu ouvrir chacune une crèche.
Des formations d'aides-soignantes et d'auxiliaires de vie sociale vont démarrer sur ce modèle. L'objectif est de consolider 600 emplois dans le haut et le moyen pays niçois, indique le Pr Raucoules-Aimé. Pour le bien-être sanitaire de la population, et son bien-être tout court.
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