L’objectif de départ est clairement affiché par l’Assurance-maladie : permettre, grâce à la télémédecine, d’améliorer le dépistage de la rétinopathie diabétique en France. « C’est un objectif de santé publique tout à fait louable, étant donné le nombre de patients diabétiques qui ne passent jamais dans le cabinet d’un ophtalmologiste en France », souligne le Dr Pierre Pégourié, secrétaire adjoint du SNOF. « Sur les 3 millions de personnes diabétiques en France, on estime que seulement 1,6 million voient un ophtalmologiste au moins une fois tous les deux ans. Au total, 1,5 million de diabétiques n’ont aucun suivi ophtalmologique. L’amélioration du dépistage de la rétinopathie chez ces personnes est donc vraiment nécessaire », souligne le Dr Pégourié, en précisant que des recommandations ont été publiées dans ce sens par la Haute Autorité de santé (HAS) en décembre 2010.
Pour améliorer ce dépistage, l’Assurance-maladie a choisi de miser sur la télémédecine et le recours aux orthoptistes, en lien étroit avec les médecins, à la fois les généralistes et les ophtalmologistes. En mars 2014, trois nouveaux actes ont été inscrits dans la nomenclature. Pour les ophtalmologistes, il a d’abord été créé un acte de lecture différée d’une rétinographie en couleur, sans la présence du patient. « C’est quand même un événement, puisqu’il s’agit du premier acte de télémédecine remboursé », souligne le Dr Pégourié, en précisant que cet acte (codé BGQP140) est tarifé 11,30 euros. Sinon, les deux autres actes mis en place et pris en charge par la Sécurité sociale concernent les orthoptistes. Il s’agit de deux actes de dépistage de la rétinopathie diabétique par rétinographie en couleur.
Ce dépistage ne concerne pas l’ensemble des patients : « on vise les patients diabétiques de moins de 70 ans, qui ont un diabète non compliqué et bien équilibré. La population-cible est d’environ 600 000 personnes », souligne le Dr Pégourié, avant de détailler le schéma retenu. « Au départ, c’est le généraliste qui va adresser le patient à un orthoptiste libéral, qui va faire un cliché du fond d’œil. De chaque côté, l’un est centré sur la macula et l’autre sur la papille. Il s’agit d’une rétinographie non mydriatique sans dilatation papillaire et donc sans instillation de gouttes. Ensuite, l’orthoptiste va transmettre les clichés à l’ophtalmologiste, qui aura 8 jours pour en faire la lecture et adresser un compte rendu des résultats au patient et médecin traitant », indique le Dr Pégourié, en précisant que l’Assurance-maladie a estimé que la transmission des clichés pouvait se faire par la messagerie de santé (MS santé).
Annoncé en mars, ce dépistage par télémédecine est loin aujourd’hui d’avoir démarré partout en France. Pour rôder le dispositif, il a d’abord été décidé de le mettre en œuvre, de manière un peu pilote, dans 15 CPAM de 14 départements. Ensuite, un certain nombre de contraintes ont retardé son déploiement . « Un premier problème a concerné la transmission de l’orthoptiste à l’ophtalmologiste des numéros d’identification des patients avec les clichés. Il a fallu attendre la publication d’un décret de décembre 2014 pour que cela soit légalement possible ».
Un autre problème concerne la rémunération de l’ophtalmologiste qui va faire la lecture du cliché. « Avec ce système, l’assurance-maladie veut faire du Sésame sans Vitale, explique le Dr Pégourié. Ce système oblige en effet le médecin à se faire payer un acte alors qu’il n’a pas vu le patient, ni pu mettre sa carte vitale dans son lecteur de télétransmission à la caisse. Il a donc été décidé que les ophtalmologistes feraient une transmission en B2-dégradé. C’est un mode de télétransmission que les médecins utilisent quand les patients ont oublié leur carte vitale. Le problème est que très souvent, le B2-dégradé ne marche pas et que les médecins sont obligés de faire une feuille de soins papier. Dans les commissions paritaires départementales et régionales, nous signalons régulièrement ces échecs de télétransmission avec le B2-dégradé. Mais visiblement, l’information n’est jamais remontée au niveau national ». Au départ, il est donc fort probable, selon le Dr Pégourié, que les ophtalmologistes-lecteurs de ces clichés devront faire une feuille de soins papier pour toucher leur rémunération de 11,30 euros.
« Une autre difficulté est le fait qu’un cliché sans dilatation n’est pas exploitable dans environ 20 % des cas. Cela étant, les expérimentations menées au niveau local montrent qu’avec un peu d’apprentissage, on peut faire descendre ce chiffre à environ 8 % ».
Une enquête de l’URPS Rhône-Alpes, menée sous l’égide du Dr Pégourié auprès des ophtalmologistes et des orthoptistes du département de l’Ain (concernée par l’expérimentation) montre aussi que les opinions vis-à-vis de ce dépistage via la télémédecine sont assez variées. « Certains ophtalmologistes veulent bien prêter leur rétinographe à des orthoptistes libéraux mais sans être lecteurs. D’autres veulent que cela soit fait par leurs orthoptistes salariés… En fait, il me semble que cela pourrait être intéressant pour des ophtalmologistes de secteur 1 qui pourraient renvoyer vers l’orthoptiste une partie de leurs patients diabétiques, qui vont bien. Cela pourrait leur permettre d’alléger leurs consultations et leurs délais de rendez-vous », indique le Dr Pégourié.
D’après un entretien avec le Dr Pierre Pégourié, secrétaire adjoint du Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF)
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