L A taxe Tobin, du nom du prix Nobel d'économie James Tobin, qui en a émis l'idée il y a une trentaine d'années, séduit beaucoup de monde, Lionel Jospin par exemple, mais aussi des spéculateurs comme George Soros.
Elle consisterait à effectuer un prélèvement fiscal sur tout transfert de capitaux d'un pays à l'autre. Le montant de la taxe serait modéré, quoique personne n'ait avancé un pourcentage ; elle ne devrait donc pas nuire à la libre circulation des capitaux. Toutefois, lorsqu'on sait que, chaque jour, mille milliards de dollars (7 000 milliards de francs) passent les frontières, un prélèvement de 0,5 % se traduirait par une recette fiscale mondiale de 500 millions de dollars par jour, ou encore 1 000 milliards par an. Se partageraient ce pactole les pays qui exportent ou importent des capitaux et les plus riches d'entre eux encaisseraient les sommes les plus élevées.
Consensus introuvable
Une taxe, même modérée, fera donc quand même hésiter les spéculateurs monétaires et les acheteurs d'entreprise, c'est-à-dire ceux qui manipulent les sommes les plus considérables. L'avantage, toutefois, serait de mettre à la disposition des programmes sociaux des capitaux qui, pour le moment, n'existent pas. Non seulement un système de ce genre ne peut voir le jour que s'il est soutenu par une volonté politique, mais il ne fonctionnera équitablement que sous l'égide d'un accord planétaire. Et l'Organisation mondiale pour le commerce est le lieu le plus indiqué pour négocier la création de la taxe Tobin.
En d'autres termes, il ne peut y avoir de prélèvement sur toutes les transactions que si est obtenu un consensus international ; ce qui serait une tâche extrêmement ardue si tous les gouvernements étaient d'accord sur le principe. Or ils ne le sont pas, et les plus grands importateurs et exportateurs de capitaux, les Etats-Unis, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, y sont résolument hostiles au nom de l'économie de marché et de la libre circulation de l'argent. Nous ne sommes plus à l'époque où le voyageur français avait un quota de devises lorsqu'il partait pour l'étranger et nous ne souhaitons pas y revenir. Or la taxe Tobin implique un contrôle permanent du mouvement des capitaux qui, entre-temps, est devenu illimité et, grâce à l'électronique, d'une rapidité foudroyante. Et elle peut avoir des effets indésirables : la circulation des fonds a des inconvénients, en cas de crise monétaire nationale (qui fait fuir les capitaux), mais elle a aussi ses avantages car elle contribue à la prospérité générale, en facilitant le commerce international et en participant à la fusion (donc au renforcement) des entreprises.
On peut se demander en outre si ces énormes transferts de capitaux ne font pas désormais partie intégrante de la croissance et si leur contrôle ne la ralentirait pas. Mais le jeu en vaudrait la chandelle dès lors qu'on pourrait dégager pour des investissements de toutes sortes des sommes ne représentant qu'une partie infime des capitaux transférés mais capables de satisfaire des besoins (fonds de retraite, santé publique, aide à l'étranger) dont le financement est précaire. Il n'y a rien d'illogique ou d'outrancier dans l'idée de la taxe Tobin, sinon qu'il implique une harmonie mondiale, pratiquement impossible.
Dérobade
Aussi, quand le mouvement ATTAC accuse M. Jospin de « dérobade », il se livre à l'une de ces critiques que seuls peuvent formuler ceux qui n'ont pas de responsabilités. M. Jospin ne demande pas mieux, mais la France ne peut pas instaurer toute seule la taxe Tobin. Le ferait-elle que les détenteurs de capitaux s'empresseraient de les placer ailleurs, là où ils ne seront pas obligés de payer la taxe Tobin, laquelle exige un accord applicable à tous ou tout moins un accord signé par les pays les plus riches. M. Jospin s'est borné à constater que, pour le moment, le concept est utopique.
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