LA VIE du projet dossier médical personnel (DMP) ne sera décidément jamais un long fleuve tranquille. Nommée il y a seulement un mois et demi par la ministre de la Santé, la « task force » se retrouve maintenant fragilisée par la démission de l'un de ses neuf membres la semaine dernière. Jean-Luc Bernard, qui représentait les usagers, « ès qualités », en tant qu'ancien président du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), vient en effet de jeter l'éponge. Contacté par « le Quotidien », Jean-Luc Bernard affirme avoir remis sa démission au chef de la task force, Michel Gagneux (de l'Inspection générale des affaires sociales), «pour une question de déontologie». Cette mission, pilotée par l'un des coauteurs du cinglant rapport d'audit sur la conduite du projet DMP (« le Quotidien » des 5 et 14 novembre), a été chargée par Roselyne Bachelot de réfléchir aux moyens de redonner un second souffle au chantier DMP, qui est programmé maintenant sur une décennie. La task force est donc censée faire des propositions d'ici au mois de mars sur un nouveau cadre stratégique, une gouvernance améliorée et sur les modalités de la phase de concertation prévue au printemps.
«Dès le départ, le CISS ne m'ayant pas donné de mandat, j'étais dans la taskforce à titre personnel», souligne Jean-Luc Bernard. Un statut un peu à part, tandis que la quasi-totalité des autres membres de la mission Gagneux sont des responsables institutionnels impliqués depuis le début dans la conduite du projet DMP, au niveau du Groupement d'intérêt public (GIP-DMP) ou de l'assurance-maladie. «Jouer à l'usager de service? Ce n'est pas mon rôle», déclare l'ex-président du CISS. Jean-Luc Bernard considère sa démission comme inévitable, dans la mesure où il «ne veut pas cautionner n'importe quoi, ni associer son nom à quelque chose qui ne serait pas opérationnel».
La task force, à qui beaucoup reprochent déjà de ne représenter en aucune façon la médecine libérale ni les établissements hospitaliers, se retrouve désormais privée de tout représentant des patients et usagers, même officieux. Un handicap de plus pour remettre vraiment le DMP sur de nouveaux rails. Ce n'est pas le seul, selon Jean-Luc Bernard.
«Il manque toujours des briques de base» à ce chantier au long cours, fait-il remarquer. Et cet ex-militant d'une association de patients de rappeler aussi «l'absence d'identifiant de santé» (qui doit être distinct du numéro de Sécu et anonymisé, selon la recommandation de la CNIL de février 2007), sans compter «le problème de normalisation des échanges» et celui de l'harmonisation des terminologies médicales. Ces chantiers préalables au DMP sont «clairement identifiés, mais pas traités» à ce jour, poursuit-il.
L'ancien président du CISS s'interroge notamment sur la volonté politique réelle des pouvoirs publics d'avancer sur le projet DMP avant l'été. Or, prévient-il, «dans le milieu des TIC [technologies de l'information et de la communication] en santé, les gens disent que, s'il ne se passe rien dans les deux ans, le DMP sera contourné par d'autres systèmes»…
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