Les recherches chez les animaux ont montré qu'un stress important peut altérer la formation de l'hippocampe. Ce type d'étude a permis de mettre en cause un rôle neurotoxique d'un taux élevé de corticostéroïdes endogènes, causant une atrophie ou une mort cellulaire des neurones hippocampiques. Qu'en est-il chez les humains ? Quelques études par IRM ont rapporté des volumes diminués de l'hippocampe chez des patients souffrant d'un état chronique de stress post-traumatique (ESPT) sans rémission, à la suite de traumatismes de guerre, de désastres naturels, d'abus sexuels, etc.
Cause ou conséquence ?
Maintenant se pose la question de la cause ou de la conséquence de cette anomalie : la taille réduite de l'hippocampe est-elle à l'origine d'une sensibilité accrue au stress ou le stress chronique a-t-il, par excès de production de glucocorticoïdes endogènes, un effet néfaste sur l'hippocampe ? Le débat est ouvert.
Les résultats de Mark Gilbertson et coll., qui se sont intéressés à des anciens combattants de la guerre du Vietnam, plaident en faveur de la première hypothèse, sans toutefois permettre de trancher.
Ils ont appliqué une méthodologie cas-contrôles pour étudier des paires de jumeaux monozygotes, dont un seul des deux avait été engagé dans les combats. Le sujet exposé a développé un ESPT, mais pas dans tous les cas.
Les auteurs se sont appuyés sur l'identité génétique des jumeaux monozygotes pour estimer que des différences de volume de l'hippocampe pouvaient être interprétées comme le résultat d'un effet de l'environnement. Ils ont utilisé comme contrôle d'autres structures cérébrales : l'amygdale et le volume total cérébral.
Ils trouvent un volume de l'hippocampe réduit chez les hommes exposés au traumatisme de guerre chez qui existe un ESPT plus sévère et sans répit. La différence de volume atteint 10 % entre ceux qui sont exposés au traumatisme et qui ont ou n'ont pas d'ESPT.
Un point important concerne le jumeau qui n'a pas été exposé au combat dans ces paires où un individu présente un ESPT grave : en moyenne, le volume de l'hippocampe est comparable à celui du jumeau, mais significativement réduit par rapport aux paires de jumeaux sans ESPT. S'agit-il d'une vulnérabilité familiale au stress ? Ou bien est-elle acquise ? Si l'étude ne peut répondre à cette question, elle montre qu'un volume réduit de l'hippocampe constitue un facteur de vulnérabilité à une réponse exagérée au stress.
D'autres facteurs peuvent intervenir sur le volume de l'hippocampe. On a montré que la dépression majeure, un abus d'alcool, qui sont fréquemment associés à l'ESPT, peuvent influer sur le volume de l'hippocampe. Le jumeau non exposé aux combats ne présente pas ces états.
L'étude n'indique pas qu'aux stress les plus importants sont associés des ESPT plus graves ; elle suggère plutôt que le volume de l'hippocampe pourrait être prédictif de la sévérité de l'ESPT indépendamment de la dureté des combats.
« La morphologie et la fonction de l'hippocampe ont été impliquées dans le conditionnement et l'extinction de la réponse par la peur chez l'animal ; cette structure peut très bien être également mise en fonction pour les traitements neuronaux des effets de la peur », indiquent les auteurs. Des rongeurs ayant une lésion de l'hippocampe présentent des peurs conditionnées plus intenses, ce qui pourrait refléter une acquisition plus rapide d'une réponse d'évitement.
« En tant que facteur de vulnérabilité à l'ESPT, un hippocampe réduit pourrait, en conséquence, prédisposer les individus à une acquisition émotionnelle conditionnée plus intense et plus durable, ou bien à une réponse hormonale au stress plus forte lors d'une exposition à un traumatisme. »
« Nature Neuroscience », publication avancée en ligne, le 15 octobre 2002 ; doi:10.1038/nn958.
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