Décision Santé. Dans votre ouvrage paru en mars dernier et intitulé Colère blanche à l’hôpital. Entre utopie et réalité, chroniques d’un médecin engagé (Éditions Michalon), vous dénoncez la façon dont se développent les politiques hospitalières.
Hakim Bécheur. Le livre interroge sur le devenir de la société à travers le prisme de la santé et plus particulièrement de l’hôpital. Avec la tarification à l’activité (T2A) puis avec la loi HPST, on dévoie la mission de l’hôpital public, sous couvert de réformes qui ne sont pas compréhensibles immédiatement par le grand public, et on développe une philosophie qui n’est pas compatible avec ce pour quoi nous sommes devenus soignants. Une étude toute récente publiée par le British Medical Journal montre que plus le taux d’insatisfaction des infirmières est élevé, moins les patients sont bien pris en charge. Il y a une augmentation de la souffrance au travail. Des gens envisagent de changer de métier, d’autres sont en burn-out. Le travail se fait constamment à flux tendu et dès que quelqu’un est absent, tout l’édifice manque de s’écrouler, quel que soit l’hôpital.
D. S. Vous êtes opposé à la T2A, mais n’est-ce pas plutôt la régulation des prix chaque année qui pose problème ?
H. B. La T2A est une arnaque monstrueuse. Elle repose sur un prix unique pour un motif donné, sauf que les malades ne rentrent pas dans les cases. Les personnes âgées, par exemple, ne peuvent pas rester à l’hôpital strictement le nombre de jours prévus par la T2A. Elles souffrent souvent de polypathologies ou bien ne sont pas en mesure de rentrer à leur domicile de façon rapide. Outre la T2A, on est aussi passé à la comptabilité analytique et l’on doit donc rendre des comptes sur notre activité. On est entré dans un cercle vicieux contraire à l’éthique médicale.
D. S. Les coopérations hospitalières ont été présentées dans la loi HPST comme une solution à bien des difficultés de terrain. Est-ce le cas ?
H. B. Ça a été fait dans le but de faire des économies d’échelle. Cela s’appelle gérer la pénurie. Mutualiser la pénurie, je ne vois pas en quoi cela change quoi que ce soit. Travailler en complémentarité, en coopération, dans l’absolu, c’est très bien. Mais comment voulez-vous gérer des équipes quand elles sont éloignées les unes des autres ? Les responsables de services, dans leur service, gèrent les problèmes du quotidien, mais comment le peuvent-ils s’ils ne sont pas dans le service où un problème se pose ?
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