LA MAJORITÉ POLITIQUE libanaise s’efforce de construire un Liban libre et souverain, indépendant des influences étrangères. L’assassinat de Rafic Hariri avait justement sanctionné ce désir de liberté. Car, au Liban, le ver est dans le fruit : le président de la République, Emile Lahoud, est pro-syrien et le Hezbollah, pro-iranien et pro-syrien, est représenté au Parlement.
L’assassinat de Rafic Hariri a donné lieu à une vaste enquête de l’ONU et la décision a été prise au début de la semaine de créer un tribunal international pour juger les exécutants et les commanditaires. Les uns et les autres sont sans doute au Liban ou en Syrie. Bachar Al-Assad, président syrien, a ressenti comme une humiliation l’obligation qui lui a été faite de retirer ses troupes du Liban au lendemain de la mort de Hariri. Depuis, bien qu’on n’ait aucune preuve, tout laisse à penser que son régime est responsable des six assassinats politiques qui ont été commis.
Le rôle nocif du Hezbollah.
En même temps, les conséquences de la guerre israélo-libanaise ne se sont pas fait attendre : conscient que les Libanais se posent des questions sur les responsabilités qu’il a prises dans cette guerre en se livrant à une provocation contre Israël, le Hezbollah a cherché à renforcer sa mainmise sur le pays. Il a demandé la formation d’un gouvernement « d’union nationale » qui n’aurait fait qu’accroître sa néfaste influence. Devant le refus du Premier ministre Fouad Siniora, les ministres du Hezbollah ont démissionné. Et se sont faits très menaçants en annonçant une immense manifestation.
Paradoxalement, l’assassinat de Pierre Gemayel place le Hezbollah dans l’embarras. Car les Libanais antisyriens sont prêts à leur tour à organiser une manifestation aussi imposante que celles qui ont suivi l’assassinat de Hariri. Bref, le spectre de la guerre civile rôde encore au Liban.
Le crime qui a coûté la vie au jeune Gemayel rappelle à point nommé combien il est encore illusoire de croire qu’il existe une voie politique et pacifique au Proche-Orient.
LA MORT DE PIERRE GEMAYEL ANNULE L'ESPOIR AMERICAIN DE TROUVER UNE SOLUTION IRAKIENNE AVEC L'IRANDouche froide.
Les Américains, plongés dans le désarroi par le chaos irakien, envisageaient de rechercher une solution diplomatique en associant leurs ennemis, la Syrie et l’Iran, à des pourparlers exploratoires. M. Bush vient de prendre une douche froide. Face au crime comme unique démarche politique, il a été obligé de durcir le ton contre la Syrie, comme tous les chefs d’Etat ou de gouvernement occidentaux. Ce qui signifie que l’espoir, particulièrement fragile, de discussions susceptibles d’apaiser la crise sanglante de l’Irak, a été tué dans l’oeuf.
C’est d’autant plus ennuyeux pour les Etats-Unis, qui ne songent plus (sans l’avouer) qu’à rapatrier leurs troupes selon un calendrier progressif, qu’une sorte de modus vivendi avec la Syrie devait les conduire à parlementer avec l’Iran, sans doute en échange d’une influence plus grande des chiites irakiens dans leur pays. Démarche d’ailleurs vague, dans la mesure où les chiites irakiens n’ont pas besoin d’un feu vert américain pour s’installer solidement dans le sud de l’Irak, et même au-delà : ils représentent une majorité de 60 % des Irakiens, et rien ne dit qu’ils seraient les dociles vassaux de Téhéran. Certes, ils sont chiites, comme les Iraniens, mais ils ne sont pas perses, ils sont arabes, autre différence qui s’ajoute à la myriade de nuances religieuses et ethniques qui font de l’Irak cette pétaudière où il eût mieux valu ne pas pénétrer.
Une politique de force.
En revanche, le président irakien, M. Talabani, a noué des contacts avec Téhéran et Damas : Syriens et Iraniens tiennent la dragée haute aux Américains mais seraient très contents d’être associés à un règlement direct avec les dirigeants irakiens, surtout s’ils en sont les principaux bénéficiaires. Qu’on le veuille ou non, c’est une politique de force que Mahmoud Ahmadinejad et Bachar Al-Assad conduisent contre les Etats-Unis et les Occidentaux, y compris la France. La situation au Liban est d’autant plus périlleuse que s’y trouvent deux mille militaires français que le Hezbollah prendra pour cible sur un claquement de doigts d’Ahmadinejad. Lui et Al-Assad ne craignent pas d’éliminer un à un tous ceux qui se mettent en travers de leur route et n’hésiteront pas à déclencher de nouveau une guerre civile dans un pays qu’ils considèrent comme leur protectorat.
Il vaut mieux que nous comprenions qu’il n’est pas possible de se dresser avec la dernière énergie contre des assassinats politiques et ouvrir en même temps avec les assassins des négociations subtiles dans les salons cossus des chancelleries.
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