L'histoire commence en juillet 1997, quand l'homme, âgé de 58 ans, vient consulter pour des douleurs de l'épaule et de la hanche du côté gauche, traînant depuis trois mois et assorties d'une perte de poids de 6 kg. Les endroits se révèlent sensibles à la palpation, mais on ne décèle ni chaleur ni rougeur. Le reste de l'examen physique est normal, tout comme les résultats de la biologie, à l'exception d'une élévation des gamma-GT (222 UI/l), des phosphatases alcalines (453 U/l) et de la CRP (C Reactive Protein : 50 mg/l).
On recherche des anticorps significatifs d'infection par le VHB, le VHC et le VIH, et on dose des marqueurs tumoraux. Tout revient négatif.
En revanche, les radiographies de l'épaule et de la hanche révèlent une ostéolyse avec réaction périostée. Un scanner avec marquage au technétium montre une augmentation de la fixation aux endroits lésés. Un scanner abdominal indique la présence d'un nodule hépatique et une lésion dans une surrénale. Un cancer métastatique est suspecté. Les examens sont poussés plus avant.
Une ponction biopsie à l'aiguille de la surrénale ramène du tissu nécrotique acellulaire, entouré d'une fibrose dense. Celle du grand trochanter gauche fait constater une nécrose osseuse entourée de fibroblastes et de plasmocytes. Les cultures à la recherche de bactéries, BK et mycoses restant négatives, les métastases apparaissent dès lors peu vraisemblables. On conclut à un diagnostic probable d'ostéonécrose aseptique ou d'ostéomyélite chronique.
Perdu de vue pendant un an
Le patient est alors perdu de vue pendant plus d'un an. Une douleur récente et croissante de l'épaule droite, avec impotence fonctionnelle et perte de 10 kg supplémentaires, le ramène à l'hôpital en novembre 1998.
L'examen révèle alors un rash abdominal, que le patient déclare avoir déjà éprouvé à l'âge de 12 ans, puis à 19 ans. Une syphilis est suspectée, même si l'homme dénie toute conduite à risque.
Le sérodiagnostic apporta la confirmation d'une syphilis tertiaire : VDRL à 1/1 024 ; TPHA > 1/40 000 (normal < 1/80) ; FTA abs à 1/6 400 (normal < 1/5) avec des IgM positives à 1/24. Si les atteintes osseuses, de la surrénale, du foie et de la peau apparaissent évidentes, on ne décèle pas d'implication neurologique ou cardio-vasculaire.
Le patient reçoit enfin une antibiothérapie consistant en cinq jours de pénicilline G intraveineuse, à raison de 16 millions d'unités par jour, suivis par trois semaines d'injections intramusculaires de benzyl-pénicilline (2,4 millions d'unités par semaine).
Les douleurs osseuses se calment
Les douleurs osseuses se calment progressivement. En juillet 1999, la CRP et les fonctions hépatiques sont revenues à la normale, à l'exception des gamma-GT (149 U/l), et les anomalies surrénaliennes ont disparu à l'échographie.
Dix mois plus tard, les tests de la syphilis montrent des résultats compatibles avec une infection traitée : VDRL 1/28 ; TPHA > 1/256 000 et FTA abs à 1/3 200, avec des IgM négatifs.
Les auteurs rappellent que la syphilis n'a pas complètement disparu ; elle tend même à réémerger en régions industrialisées depuis la fin des années quatre-vingt. Et qu'environ un tiers des patients non traités évoluent vers une syphilis tertiaire, après parfois de nombreuses années de latence.
Alexandros Spyridonidis et coll. (Fribourg, Allemagne). « Lancet », vol. 359, 25 mai 2002, p. 1828.
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