DE NOTRE CORRESPONDANTE
L’APPARITION de plus en plus rapide de bactéries pathogènes qui deviennent résistantes à l’arsenal actuel des antibiotiques est un problème mondial préoccupant.
Le phénomène est inquiétant car, désormais, la résistance est sortie de l’hôpital et fréquemment observée en pratique de ville.
Le grand pouvoir d’adaptation des bactéries se manifeste par leur capacité à acquérir de nouvelles parades, afin de se dérober à l’action des antibiotiques censés les anéantir.
Pour répondre à ce problème, des efforts s’orientent vers le développement d’antibiotiques dotés de plusieurs modes d’action, rendant ainsi plus difficile l’émergence d’une résistance bactérienne.
Conservation du fromage, de la crème et des fruits.
Un rare exemple de ce type d’antibiotique est la nisine, un peptide naturellement sécrété par la bactérie Lactococcus lactis.
En dépit de son utilisation depuis plus de quarante ans, dans de nombreux pays, comme agent de conservation des aliments (fromage, crème, fruits en conserve), la nisine n’a pas induit de grande résistance bactérienne.
La nisine est hautement efficace contre une vaste gamme de bactéries Gram positif, y compris celles qui provoquent le botulisme et la listériose. Elle exerce son activité antimicrobienne à la fois en provoquant des trous dans la membrane bactérienne et en perturbant la biosynthèse de la membrane bactérienne par sa fixation au lipide II. Un troisième mode d’action indépendant est l’inhibition de l’excroissance des spores bactériens.
La nisine est un des nombreux membres de la famille des lantibiotiques, qui sont tous des candidats attrayants pour le développement de nouveaux antibiotiques.
Toutefois, à ce jour, personne n’avait réussi à reconstituer in vitro la biosynthèse de la nisine et des autres lantibiotiques.
L’étude dirigée par le chimiste Wilfred van der Donk et le biochimiste Satish Nair, à l’université de l’Illinois (Urbana-Champaign), marque une avancée importante dans la compréhension de la biosynthèse de la nisine.
Ils décrivent la synthèse enzymatique in vitro de la nisine et la structure cristalline de l’enzyme cyclase qui se révèle catalyser cinq réactions distinctes de cyclisations pour former les cinq anneaux thioéther de la nisine requis pour son activité biologique.
Les anneaux thioéther varient en taille de quatre à sept acides aminés et procurent de solides liens protéase-résistants en des endroits précis. Ils sont responsables du caractère robuste de la nisine.
Ressemblance avec des farnésyl transférases.
La structure de la cyclase de la nisine révèle, de façon inattendue, une ressemblance avec les farnésyl transférases des mammifères. Ces enzymes sont importantes pour l’activité de la protéine RAS, dont la mutation est impliquée dans 25 % des cancers du sein ; l’inhibition de la farnésylation pourrait éventuellement prévenir l’effet cancéreux.
Dans un éditorial, David Christianson (University of Pennsylvania, Philadelphia) suggère que les cinq anneaux thioéther de la nisine pourraient bien se révéler être « de l’or » dans la recherche sans fin d’antibiotiques.
« Science », 10 mars 2006, p. 1382, Li et coll.
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