«N ous sommes passés en quelques années d'une époque où il n'y avait aucun espoir thérapeutique, avec un pronostic à court terme effroyable –la médiane de survie était de 2,8ans avec un traitement conventionnel–, à une autre où grâce aux nouvelles modalités thérapeutiques il est possible d'améliorer les symptômes de la maladie, la capacité d'exercice, l'hémodynamique, le confort de vie et la survie», explique le Pr Gérald Simonneau, hôpital Béclère de Clamart, centre de référence pour l'hypertension artérielle pulmonaire.
La définition de la maladie est hémodynamique : l'Htap correspond à une élévation anormale de la pression artérielle pulmonaire moyenne (≥ 25 mmHg au repos et/ou 30 mmHg à l'effort avec une pression capillaire pulmonaire ≤ 12 mmHg). La survenue à terme d'une défaillance cardiaque droite constitue le risque évolutif majeur. Les causes sont nombreuses. L'Htap peut être sporadique ou familiale (prédisposition génétique) ou être la conséquence d'une autre pathologie (maladie auto-immune, infection virale, en particulier l'infection par le VIH), d'une consommation de drogues, de toxiques et de la prise de médicaments anorexigènes. La première description anatomoclinique remonte à plus de cent ans, mais le terme d'hypertension pulmonaire n'apparaît qu'en 1951.
Epidémie d'Htap
C'est à la faveur d'une épidémie d'Htap survenue en Suisse en 1967 après la mise à disposition d'un anorexigène que l'attention est attirée sur la maladie. En 1973, l'OMS organise à Genève une réunion pour en éclaircir les concepts. Une première classification clinique et anatomopathologique est proposée, qui sera refondue en 1998, et un registre international prospectif est mis en place.
Depuis dix ans, grâce à la collaboration internationale des équipes cliniques, aux avancées de la recherche et à l'implication forte de l'industrie pharmaceutique, «ce qui est inhabituel dans une maladie orpheline», note le Pr Simonneau, des progrès spectaculaires ont été accomplis dans la compréhension et la prise en charge de l'Htap. Aujourd'hui, il est clairement établi que la principale anomalie est une dysfonction endothéliale qui s'accompagne d'une diminution de la production de substances vasodilatatrices, tels que le monoxyde d'azote ou la prostacycline et d'une augmentation de vasoconstricteurs puissants, comme l'endothéline ou le thromboxane, qui stimulent la prolifération vasculaire pulmonaire.
Le passage d'un traitement purement vasodilatateur (antagonistes calciques) à des traitements plus spécifiques agissant sur la prolifération vasculaire pulmonaire a constitué une avancée majeure de la prise en charge thérapeutique de l'Htap. Ce sont essentiellement les dérivés et les analogues de la prostacycline et les inhibiteurs des récepteurs de l'endothéline. L'époprosténol (Flolan), prostacycline administrée par voie intraveineuse continue, a été le premier dérivé de la prostacycline à avoir été mis sur le marché. Plus récemment sont apparus des analogues stables de la prostacycline, principalement le tréprostinil (Remodulin) administré par voie sous-cutanée continue et l'iloprost (Ventavis) en aérosol. Leur mode d'administration plus simple permet de s'affranchir de la mise en place d'un cathéter.
Une nouvelle étape est franchie en 2002 avec la mise sur le marché du premier antagoniste de l'endothéline, le bosentan (Tracleer), premier traitement spécifique administré par voie orale. Des inhibiteurs sélectifs de l'endothéline, tels que le sitaxsentan et l'ambrisentan sont en cours de développement.
Le sildénafil (Revatio) a reçu un avis favorable européen pour le traitement de l'hypertension artérielle pulmonaire. Il agit sur un mécanisme physiopathologique différent des précédents, la voie du monoxyde d'azote. Inhibiteur d'une enzyme, la phosphodiestérase 5, qui contrôle le tonus artériel pulmonaire, son action aboutit à une vasodilatation pulmonaire.
Centre de référence
Ce nouvel arsenal thérapeutique est destiné aux Htap sévères (classe III de la classification OMS) – le choix de la molécule est fonction de l'origine de l'Htap – et vient compléter les traitements conventionnels de la maladie : limitation des efforts, anticoagulants, diurétiques et régime sans sel, oxygénothérapie. Les vasodilatateurs classiques sont efficaces chez 20 % des patients.
Malgré les progrès actuels, il n'existe toujours pas de traitement curatif de la maladie. Les moyens non médicaux comme l'atrioseptostomie et la transplantation pulmonaire coeur-poumon restent le dernier recours lorsque les traitements existants ne suffisent plus à contrôler l'Htap. Les techniques d'échographie cardiaque avec Doppler pulsé ont facilité le dépistage, même si le diagnostic de l'Htap repose sur le cathétérisme droit.
Le pronostic reste sévère, ce qui nécessite un suivi régulier des patients (la prévalence est estimée à au moins 24 par million en France), dans les centres de référence et de compétence mis en place grâce au plan Maladie rare (2005). «Des améliorations sont à attendre d'une détection et d'un traitement précoces, ainsi que de la généralisation des traitements combinés associant plusieurs médicaments de mécanisme d'action différent», conclut le Pr Simonneau. n
Bosentan
En 1988, le Dr Martine Clozel découvre la molécule et pressent son potentiel. Et c'est en 1997 que, avec son époux, le Dr Jean-Paul Clozel, et une équipe de chercheurs, elle crée le Laboratoire Actelion. En moins de trois ans, la molécule obtient une autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis (2001), puis en Europe (2002). Le bosentan est indiqué dans l'Htap de classe III, idiopathique ou familiale, associée à la prise d'anorexigènes, à une connectivite, à l'infection par le VIH, à une cardiopathie congénitale, à une hypertension portale.
Les découvertes de l'équipe du Pr Fruchart en lipidologie
L'équipe du Pr Jean-Charles Fruchart, à Lille, a été récompensée en 1999 pour l'ensemble de ses découvertes en lipidologie, un domaine où les recherches sont très fructueuses. Mieux comprendre la biologie moléculaire et celle de l'athérosclérose, tels sont les objectifs de l'équipe de J.-C. Fruchart, qui a connu une série de succès. «Nous avons été les premiers à mettre en évidence, avec le PrAlaupovic (Oklahoma City) , l'hétérogénéité des lipoprotéines», se rappelle le Pr Fruchart. Les chercheurs ont ensuite travaillé sur les gènes des apoprotéines, la partie « intelligente » des lipoprotéines. Une collaboration avec Rhône-Poulenc (Bioavenir) s'est ensuivie dans le domaine de la thérapie génique, pour des recherches sur le gène de protection de l'apoA1.
L'équipe a également élucidé le rôle des facteurs de transcription PPAR-s (Peroxysome Proliferator Activated Receptors) dans le métabolisme lipidique, ce qui l'a conduit à découvrir le mode d'action moléculaire des fibrates qui, en plus de l'effet hypolipémiant, ont une action anti-inflammatoire sur la paroi vasculaire. «Nous avons ainsi ouvert une nouvelle voie thérapeutique dans laquelle de très grands laboratoires de l'industrie pharmaceutique se sont engagés», explique le Pr Fruchart.
L'équipe progresse, avec le même succès, dans ses deux directions fondamentales : la thérapie génique et les facteurs de transcription.
A quoi s'ajoute la création d'un centre européen d'innovations thérapeutiques, Genefit, où travaillent ensemble des chercheurs du secteur public et du secteur privé.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature