27-29 juin 2006 - Paris
LA PRATIQUE clinique française actuelle repose sur le bon sens : la surveillance des récidives ou de l’apparition d’un second cancer bronchique après une chirurgie thoracique d’un Cbnpc pourrait améliorer la survie, en permettant d’augmenter les chances de traitement curatif. Pourtant, aucune étude randomisée n’a comparé une quelconque stratégie de surveillance à l’abstention après résection complète d’un Cbnpc.
95 % des récidives au cours des deux premières années.
Comme le regrette le Pr V. Westeel, investigateur principal de l’essai IFCT-0302, «le taux de survie après une chirurgie thoracique d’un Cbnpc n’est pas aussi bon que cela car le risque de voir apparaître un second cancer ou une récidive est loin d’être négligeable». La survie des patients opérés d’un Cbnpc varie de 20 à 70 % à cinq ans, selon les stades. Les principales causes de mortalité sont la récidive du carcinome opéré et les seconds cancers. Certaines localisations sont plus souvent le site d’une récidive que d’autres. L’analyse des séries publiées montre que les récidives isolées sont, le plus souvent, de localisation thoracique (de 19 à 48 % des cas). Les métastases les plus fréquentes sont cérébrales, mais elles ne sont isolées (et pas forcément uniques) que dans 9 à 37 % des cas. De 45 à 95 % des récidives, quelle que soit leur topographie, surviennent au cours des deux premières années.
Plusieurs études rétrospectives ont étudié l’influence de la surveillance après chirurgie d’un Cbnpc, quelles qu’en soient ses modalités, sur la survie des patients (1-4). Certaines d’entre elles ont montré que les patients asymptomatiques au moment de la rechute avaient une survie significativement plus longue à partir de la chirurgie que les patients symptomatiques. Une étude française, prospective, publiée par le Pr V. Westeel, a analysé l’impact d’une surveillance standardisée, associant examen clinique, radiographie thoracique, scanner thoracique et fibroscopie bronchique, sur la survie (5). Pendant les trois premières années qui suivent l’opération, un examen clinique et une radiographie thoracique étaient réalisés tous les trois mois ; tous les six mois, ils étaient complétés par un scanner thoracique et une fibroscopie bronchique. A partir de la quatrième année, l’examen clinique et la radiographie thoracique devenaient trimestriels, la fibroscopie bronchique et le scanner thoracique, annuels. Parmi 192 patients opérés d’un Cbnpc entre 1980 et 1994, 136 ont récidivé. La survie à partir de la récidive a été supérieure pour les patients asymptomatiques. L’intervalle libre de maladie n’était pas significativement différent entre patients asymptomatiques et symptomatiques. Il est possible que la détection des rechutes, alors que les patients sont encore asymptomatiques, puisse allonger leur survie, mais ces travaux ne permettent pas de le démontrer car ils sont inévitablement biaisés.
Un essai phare.
L’étude conduite aujourd’hui par le Pr Virginie Westeel, sous l’égide de l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (Ifct), est la première recherche prospective de phase III, randomisée, réalisée dans le cadre du suivi postopératoire du Cbnpc. L’inclusion des patients suivis dans plus de quatre-vingts centres répartis sur toute la France a d’ores et déjà commencé. Au 16 juin 2006, 176 patients ont déjà été inclus dans l’étude, et le recrutement devrait se prolonger jusqu’en 2011. L’objectif de cet essai randomisé (Ifct-0302) est de comparer deux schémas de surveillance postopératoire dans les Cbnpc complètement réséqués. Le critère principal est la survie. Les critères secondaires comprennent une analyse de la qualité de vie et du rapport coût/efficacité. Comme le précisait le président de l’Ifct, le Dr Bernard Milleron (hôpital Tenon, Paris), en introduction à cette session consacrée à la cancérologie thoracique, «il s’agit d’un essai phare très important et original, dont l’objectif fixé est essentiel». Cette étude, ponctuait-il, «va permettre de répondre à une question à laquelle personne n’a jamais répondu et seul un essai randomisé peut permettre d’y apporter la réponse».
Au minimum, un examen clinique.
Actuellement, en l’absence de réponse scientifique, les recommandations publiées suggèrent une surveillance, mais de qualité et d’agressivité variables. Toutes insistent sur la nécessité de disposer de données issues d’une recherche randomisée.
Les recommandations de l’Asco en 2003 (American Society of Clinical Oncology) (6) répondent aux critères de qualité et préconisent une simple surveillance clinique. D’autres sociétés intègrent la radiographie et/ou le scanner thoracique et la fibroscopie bronchique, reflétant plus des habitudes de pratique que des recommandations sur des données solides de la littérature.
Parmi les procédures les plus récentes, TEP-scan et fibroscopie bronchique en autofluorescence sont en cours d’évaluation. Le TEP-scan aurait plutôt sa place dans le bilan d’anomalies découvertes au scanner.
Standards, options et recommandations.
En attendant les résultats de l’étude coordonnée par le Pr V. Westeel, il faut rappeler, les standards, options et recommandations (SOR) établis pour la surveillance après traitement du carcinome bronchique non à petites cellules.
Standard : il n’existe pas d’attitude standard. Option : l’endoscopie et le scanner peuvent être réalisés (accord d’experts). Recommandations : en l’absence de données suffisantes de la littérature, les experts considèrent que la surveillance endoscopique et scanographique peut être proposée (accord d’experts). Il est aussi «recommandé d’entreprendre des études randomisées multicentriques comparant soit une surveillance définie à l’absence de surveillance, soit des schémas de surveillance différents. Ces études doivent prendre en compte la qualité de vie et le rapport coût/efficacité».
D’après la communication du Pr Virginie Westeel (CHU de Besançon), virginie.westeel@ufc-chu.univ-fcomte.fr.
Références (1) Walsh GL et al. Is Follow-up of Lung Cancer Patients After Resection Medically Indicated and Cost-effective ? Ann Thorac Surg 1995 ; 60 (6) :15637.
(2) Younes RN et al. Follow-up in Lung Cancer : How Often and for What Purpose? Chest 1999 ; 115 (6) :1494-1499.
(3) Virgo KS et al. Post-treatment Management Options for Patients with Lung Cancer. Ann Surg 1995 ; 222(6) : 700-710.
(4) Gilbert S et al. Who Should Follow up Lung Cancer Patients After Operation ? Ann Thorac Surg 2000 ; 69(6) : 1696-1700.
(5) Westeel V et al. Relevance of an Intensive Postoperative Follow-up After Surgery for Non-small Cell Lung Cancer. Ann Thorac Surg 2000 ; 70(4) : 1185-1190.
(6) Pfister DG et al. American Society of Clinical Oncology Treatment of Unresectable Non-small Cell Lung Cancer Guideline : Update 2003. J Clin Oncol 2004 ; 22 : 330-335.
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