LA DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) a annoncé, il y a quelques jours, au cours du conseil d'administration consacré au budget 2004, sa décision de supprimer 920 emplois en 2004. Trente-deux membres du CA sur cinquante-deux ont accepté ce budget, qui, bien qu'il soit en hausse de 2,2 % par rapport à 2003, intègre des mesures d'économies importantes.
De ce fait, le plus gros établissement de santé public français n'échappera pas à ce qu'Alain Lhostis, le président suppléant du conseil d'administration de l'AP-HP, qualifie de « saignée (...) comme il n'y en a jamais eu ».
Les 39 hôpitaux de l'AP-HP emploient plus de 69 000 agents médicaux et quelque 19 000 praticiens. Aucun poste de médecin n'est menacé. Les suppressions toucheront les autres catégories de personnel. Le détail figure dans le tableau des emplois budgétés en 2004 : seront supprimés, par des redéploiements en interne ou des départs à la retraite, 200 postes administratifs, 13 postes socio-éducatifs, 109 postes techniques, 29 postes d'infirmier, 135 postes d'aide-soignant et 258 postes d'agent de service hospitalier. Economie attendue : 36,37 millions d'euros.
En parallèle, indique le service des finances de l'AP-HP, la renégociation de certains marchés (achats de consommables informatiques, maintenance du matériel biomédical), l'amélioration du tri des déchets ou encore la mutualisation des cuisines entre certains hôpitaux permettront de dégager 24 millions d'euros supplémentaires. L'économie totale escomptée en 2004 - 60 millions d'euros - correspond à la première tranche du plan pluriannuel d'économies signé en novembre entre l'AP-HP et l'Etat, qui prévoit un retour à l'équilibre financier en 2006 (l'AP-HP s'est engagée à économiser 240 millions d'euros et à vendre pour 170 millions d'euros d'actifs immobiliers ; elle recevra en contrepartie 230 millions d'euros de l'Etat).
Les assurances de la direction.
Les 920 suppressions de postes envisagées « ne toucheront pas les soignants et il n'y aura pas de licenciements », a assuré Rose-Marie Van Lerberghe. « Ces économies (les 60 millions d'euros, ndlr), je ne veux absolument pas les faire en clinique, il n'y aura pas de suppression dans ces catégories-là », a insisté la directrice générale, qui espère au contraire que bon nombre des 2 000 postes vacants à l'AP-HP (essentiellement des infirmières), « tous financés », seront pourvus d'ici à la fin de l'année, grâce à la sortie de promotions plus nombreuses d'écoles d'infirmières.
Un discours qui a le don d'irriter Christian Do Huu, le directeur de cabinet du communiste Alain Lhostis, qui représente Bertrand Delanoë, le maire de Paris, à la tête du conseil d'administration de l'AP-HP. « La direction générale essaie de faire croire qu'il s'agit d'emplois non soignants, dit Christian Do Huu. Non seulement ce n'est pas vrai, puisque sont concernés des infirmiers et des aides-soignants, mais il s'agit en plus d'un argument fallacieux : tous les personnels servent aux patients, ceux qui sont à leur chevet, mais aussi ceux qui les nourrissent, les blanchissent et les transportent. Ce sont bien des suppressions qui vont toucher à la qualité et à la sécurité des soins ». Et qui « annulent en grande partie » les 1 199 créations de postes prévues pour accompagner l'application de la réduction du temps de travail (RTT) à l'AP-HP, ajoute Alain Lhostis.
Ces attaques, la direction de l'établissement s'y était préparée. Le secrétaire général de l'AP-HP, Jean-Marc Boulanger, apporte donc la précision suivante : « Les 920 emplois supprimés et les 1 199 créés ne sont pas les mêmes. Les seconds travailleront au lit du malade, tandis que les premiers avaient une activité médico-technique ou administrative. » Y compris les 29 infirmiers et les 135 aides-soignants mentionnés dans le tableau ? « Oui, répond Jean-Marc Boulanger. Il s'agit de personnes reclassées, qui, pour des raisons physiques, n'étaient plus aptes à exercer leur métier de soignant. »
Conditions de travail et formation des personnels.
Rose-Marie Van Lerberghe a beau affirmer le contraire, le président du CA de l'AP-HP est convaincu que « la qualité des soins est aujourd'hui mise en cause ». Les conditions de travail et la formation du personnel inquiètent également Alain Lhostis : « Les crédits de formation sont amputés de 1,9 million d'euros » en 2004, croit-il savoir.
Le président du CA de l'AP-HP déplore par ailleurs « le flou total concernant le déficit réel de l'AP-HP ». L'institution indique qu'elle enregistre un déficit cumulé de 230 millions d'euros (40 au titre de l'exercice 2001, 100 en 2002 et 130 en 2003). « Le ministre de la Santé avait proposé le plan d'économies sur la base d'un déficit prévisionnel de 250 millions d'euros, il n'est plus que de 130 millions en 2003 : je m'interroge de savoir si on n'a pas gonflé ce trou pour pouvoir engager cette politique de restrictions », a déclaré Alain Lhostis.
Gonflé ou non, rien n'empêchera plus la direction générale d'appliquer son plan d'économies, maintenant que le conseil d'administration a accepté dans sa majorité le budget 2004.
Les Hospices civils de Lyon aussi
La direction des Hospices civils de Lyon (HCL) a décidé de supprimer en 2004 un total de 300 postes d'agents non médicaux et de différer le recrutement de 10 médecins afin de résorber le report de charges enregistré à la fin de 2003 (10,7 millions d'euros pour un budget annuel d'exploitation de 1,2 milliard d'euros), dénoncent dans un communiqué les syndicats Cfdt, CGT, FO, SUD et l'Unsa, qui jugent cette orientation « inadmissible et intolérable ».
Tout comme à l'AP-HP, ces suppressions ne passeront pas par des licenciements, mais par des non-remplacements. A la direction des HCL, on insiste sur le fait qu'un effort va être demandé à tous les secteurs : administratif, technique et soigant .
Les organisations syndicales prévoient d'organiser une nouvelle action le 22 mars lors du prochain conseil d'administration.
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