L'étude JELIS, menée au Japon, montre qu'en association à une statine, l'acide eicosapentaénoïque a un effet bénéfique ches les coronariens.
Les publications relatives au rôle protecteur des acides gras oméga 3 dans la prévention des troubles cardio-vasculaires sont apparues dès 1975. J. Dyerberg et coll. avaient en effet observé que les Inuits avaient une faible mortalité cardio-vasculaire en dépit d'une alimentation riche en graisse. Ils avaient alors envisagé l'hypothèse du rôle protecteur de leur alimentation, principalement constituée de poisson gras, une importante source d'acides gras oméga 3 (1). Une revue de la littérature publiée en 2004 (2) a fait état des mécanismes d'action envisagés pour rendre compte de cet effet protecteur. Les effets antiarythmique, antithrombotique, antiathérogène et anti-inflammatoire y étaient passés en revue, de même que leur action sur la fonction endothéliale, la pression artérielle et l'action sur les dyslipidémies.
EN 2002, l'American Heart Association a publié un texte (3) dans lequel les auteurs recommandaient à l'ensemble de la population de consommer deux fois par semaine des aliments riches en acides gras oméga 3 ; les sujets ayant une coronaropathie étaient encouragés à y associer une supplémentation médicamenteuse. Enfin, la prise quotidienne de 2 à 4 g par jour de supplémentation était recommandée lorsqu'un traitement hypotriglycéridémiant était nécessaire.
Un essai de grande ampleur.
Dans cet esprit, M. Yokohama et coll. ont entrepris d'évaluer l'intérêt de l'adjonction d'acide eicosapentaénoïque à un traitement par statine, comparativement à un traitement par statine seule, chez les patients hypercholestérolémiques. Dans leur essai clinique de grande ampleur réalisé au Japon, baptisé Jelis (Japan EPA Lipid Intervention Study), les auteurs ont assigné de façon aléatoire 18 645 patients à recevoir soit 1,8 g d'acide eicosapentaénoïque (EPA), produit au Japon par la firme Mochida sous le nom d'Epadel depuis 1990, et une statine, pravastatine ou simvastatine, soit la statine seule. Le critère de jugement principal était l'incidence des événements cardio-vasculaires majeurs : mort subite d'origine cardiaque, infarctus myocardique aigu, angor instable ou interventions de reperfusion.
Les patients inclus, âgés de 40 à 75 ans, dont 68 % étaient des femmes, devaient avoir une cholestérolémie supérieure à 2,50 g/l. Parmi eux, 16 % étaient diabétiques, 20 % avaient des antécédents de coronaropathie et 19 % étaient fumeurs.
Une réduction du risque de 19 %.
A l'issue de la période de suivi, 4,6 ans en moyenne, la fréquence de survenue du critère primaire a été de 2,8 % dans le groupe traité par EPA et statine, contre 3,5 % dans le groupe assigné au traitement par statine seule, ce qui correspond à une réduction du risque relatif de 19 % (p = 0,011) sous traitement combiné. L'effet du traitement a été plus particulièrement net sur le risque de survenue d'angor instable (1,6 % contre 2,1 %, risque relatif 0,76 ; p = 0,014). Une tendance favorable est également apparue dans le groupe traité par EPA sur le nombre d'infarctus non mortels (0,7 % contre 0,9 %, p = 0,086) et de revascularisations (2,1 % contre 2,4 %, p = 0,135). En revanche, aucune différence significative n'a été observée concernant la fréquence des morts subites (0,2 % dans chaque groupe) et celle des infarctus myocardiques fatals (0,1 % contre 0,2 %).
Chez les 14 981 patients sans aucun antécédent de coronaropathie, qui composaient ainsi la cohorte de prévention primaire, le critère principal de jugement est survenu moins souvent dans le groupe sous traitement combiné (1,4 %) que dans le groupe sous statine seule (1,7 %), la différence de risque observée, 18 %, n'ayant toutefois pas atteint le seuil de significativité statistique (p = 0,132). En revanche, au sein de la cohorte de prévention secondaire, composée de 3 664 patients, le critère principal de jugement est survenu significativement moins souvent que dans le groupe sous statine, 8,7 % contre 10,7 %, la réduction de risque étant de 19 % (p = 0,048). Des effets indésirables ont signalé par 25,3 % des patients sous traitement combiné, contre 21,7 % dans le groupe statine seule (p < 0,0001), représentés notamment par des troubles digestifs (3,8 % contre 1,7 %, p < 0,0001).
Les différences observées dans l'étude Jelis se sont révélées indépendantes des réductions du cholestérol total et LDL constatées, respectivement 19 % et 26 % dans chaque groupe.
Ainsi, pour M. Yokohama, « les effets bénéfiques de l'association statine-EPA sont plus particulièrement convaincants en prévention secondaire. » Pour R. Eckel, président de l'American Heart Association, « l'étude Jelis confirme le bénéfice du traitement par les acides gras oméga 3 chez les coronariens », ce bénéfice venant s'ajouter à celui apporté par les statines. Toutefois, le doute persiste en cas de prévention primaire. Enfin, R. Eckel a rappelé que la dose d'EPA utilisée dans le cadre de cette étude était particulièrement élevée.
D'après la communication de M. Yokohama, Kobe University Graduate School of Medicine, Japon.
1. Dyerberg J, et coll. Fatty acid composition of the plasma lipids in Greenland Eskimos. Am J Clin Nutr 1975 ; 28 (9) : 958-66.
2. Din JN, et coll. Omega 3 fatty acids and cardiovascular disease - fishing for a natural treatment. BMJ 2004 ; 328 (7430) : 30-5.
3. Kris-Etherton PM, et coll. Fish consumption, fish oil, omega-3 fatty acids, and cardiovascular disease. Circulation 2002 ; 106 (21) : 2747-57.
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