L'EQUIPE française du Dr Boutron-Ruault (Inserm, équipe E3N, institut Gustave-Roussy) a publié un travail original qui, pour la première fois, précise l'effet de la consommation en bêtacarotène sur le devenir carcinologique de près de 60 000 femmes fumeuses ou non. Ces femmes, qui ont participé à l'étude prospective E3N mise en place en 1994, ont été suivies pendant en moyenne 7,4 ans. L'analyse a été effectuée grâce à des autoquestionnaires adressés directement aux femmes : consommation de tabac et habitudes alimentaires à l'entrée dans l'étude, existence d'une pathologie néoplasique au cours du suivi. L'analyse de la consommation en bêtacarotène a permis de distinguer quatre groupes, allant d'une faible consommation à une supplémentation quotidienne.
D'autres cancers que celui du poumon.
Les auteurs expliquent que « l'interaction entre le tabac et le bêtacarotène, qui a été initialement décrite pour les cancers du poumon, pourrait s'étendre à d'autres cancers. Dans notre cohorte, 23 % des cancers totaux survenus au cours de la période de suivi pourraient être liés au tabac ». Les femmes fumeuses qui consommaient quotidiennement une supplémentation en bêtacarotène ont eu un risque de cancers lié au tabac majoré (risque relatif : 2,14) en comparaison avec celles qui consommaient peu de bêtacarotène. A l'inverse, les non-fumeuses supplémentées avaient un risque minoré (risque relatif 0,44) de cancer par rapport à celles qui consommaient peu de bêtacarotène.
« En dépit de l'importance de la cohorte étudiée (59 210 témoins et 700 cas), l'utilisation de supplémentation de bêtacarotène reste anecdotique (2 % des femmes). Au total, seulement cinq non-fumeuses et douze fumeuses consommant une supplémentation ont présenté l'un des types de cancer retenus pour l'étude », analysent les Drs Susan Mayne et Scott Lippman (Yale et Houston), éditorialistes. En outre, les auteurs ont choisi de prendre en compte un critère combiné comprenant plusieurs types de cancer ; or les éditorialistes soulignent que le lien entre ces cancers et le tabagisme n'a parfois pas été formellement prouvé.
Ne pas changer les recommandations sur les fruits et légumes.
« Alors, au vu de l'étude française, doit-on conseiller aux femmes fumeuses de réduire leur alimentation en fruits et légumes riches en bêtacarotène ?», s'interrogent les éditorialistes. Il semblerait que les études vont dans le sens d'une majoration du risque de cancer chez les sujets fumeurs supplémentés en bêtacarotène ; en revanche, il n'existe aucun travail à grande échelle qui prouve un tel lien entre alimentation riche en bêtacarotène et cancer, y compris chez les fumeurs. Certaines études vont même dans le sens d'un moindre taux de cancer chez les sujets consommant d'importantes quantité de fruits et légumes. En outre, ce type d'alimentation a prouvé son effet préventif des maladies cardio-vasculaires chez les fumeurs et les non-fumeurs. « Dans ces conditions, les nouvelles données ne doivent pas faire changer les recommandations quant à la consommation de fruits et légumes », concluent les éditorialistes.
« Journal of the National Cancer Institute », vol. 97, n° 18, pp. 1319-1321 et 1338-1345, 21 septembre 2005.
700 cancers
Sur les 59 910 femmes retenues pour l'étude, 700 ont développé au cours des 7,4 années de suivi moyen un cancer qui pourrait être en rapport avec le tabagisme : 25 cancers de la tête et du cou, 143 de la thyroïde, 5 de l'oesophage, 11 de l'estomac, 7 du foie, 28 du pancréas, 224 du côlon ou du rectum, 8 anaux, 38 des voies urinaires, 96 de l'ovaire, 58 du col et 57 du poumon. Pour les éditorialistes, les Drs Susan Mayne et Scott Lippman, « il n'est pas prouvé que tous ces types de cancer soient influencés directement par le tabagisme ».
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