L'HERPES OCULAIRE est une affection assez fréquente dont les conséquences en termes de morbidité sont particulièrement graves. En France, une étude épidémiologique a permis d'estimer l'incidence globale de la kératite herpétique à 31,5 cas pour 100 000, dont 18,3 cas pour 100 000 pour les formes récurrentes (1). Dans ce travail, les formes les plus fréquemment observées ont été les kératites dendritiques, plus d'une fois sur deux, et les kératites stromales, un peu moins d'une fois sur trois.
Une efficacité bien démontrée.
L'efficacité de la prévention des récidives d'herpès oculaire a été montrée dans une étude prospective multicentrique contrôlée dont les résultats ont été publiés en 1998 (2). Ce travail, qui a porté sur 703 patients atteints de maladie oculaire herpétique, a montré que l'aciclovir par voie orale à la dose de 800 mg par jour en deux prises pendant un an permet de réduire de moitié la fréquence des récidives pendant la période de traitement. E. Miserocchi et coll. ont très récemment montré l'équivalence à un an du traitement par valaciclovir et par aciclovir (3). Dans cette étude pilote prospective randomisée, 52 patients immunocompétents ont été traités pendant un an. Ils ont reçu de façon aléatoire 500 mg/j de valaciclovir ou 400 mg d'aciclovir deux fois par jour. Le critère de jugement de l'étude était la fréquence des récurrences pendant la durée du suivi. Dans ce travail, elle a été de 23,1 % dans chacun des groupes, sans différence en termes de nature, de fréquence ou de sévérité des effets indésirables. Cette étude a ainsi montré que le valaciclovir à la dose de 500 mg est aussi efficace et aussi bien toléré que l'aciclovir à la dose de 400 mg deux fois par jour pour prévenir les récurrences de kératite récidivante à virus Herpes simplex.
En cas de primo-infection herpétique, il convient de distinguer les lésions de la kératite dendritique et celles de la kératite stromale. Les lésions de la kératite dendritique sont liées à la réplication du virus. Elles ne comportent pas d'atteinte inflammatoire. Cette atteinte nécessite donc le recours à un traitement antiviral d'attaque, sans corticothérapie. Les kératites stromales, quant à elles, résultent principalement d'une réaction immunologique. Le traitement antiviral est toujours indispensable, mais la mise en oeuvre d'un traitement par corticoïdes est justifiée à l'issue d'une période initiale de 24 à 48 heures.
Une AMM qui devrait évoluer.
Chez le sujet immunocompétent, les mentions légales de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du valaciclovir précisent que la prévention est indiquée après trois récurrences par an de kératite épithéliale et deux récurrences par an de kératite stromale et de kérato-uvéite, à la dose de 1 comprimé à 500 mg par jour. L'AMM précise également que « le traitement sera réévalué à des intervalles de temps de 6 à 12mois, afin d'évaluer tout changement possible lié à l'évolution naturelle de la maladie ». Dans certains cas, les récurrences surviennent après réactivation par un facteur déclenchant bien connu du patient comme une exposition au soleil, le stress ou la fatigue, par exemple. Il est alors possible de cibler le traitement préventif des récidives en prescrivant une prophylaxie courte.
Lorsque les récurrences sont sévères, des doses plus importantes paraissent nécessaires au cours des kératites profondes sévères et des kérato-uvéites. De même, il convient de ne pas attendre la troisième récurrence pour mettre en oeuvre le traitement. Cela laisse entendre que l'extension de l'AMM du valaciclovir mériterait d'être reprécisée, en termes de posologie et d'indications. Cette évolution constitue actuellement un enjeu en cours de discussion entre les spécialistes des infections virales et les autorités sanitaires.
L'AMM du valaciclovir précise que ce produit est indiqué dans la prévention des récidives d'infections oculaires à virus Herpes simplex en cas de chirurgie de l'oeil, à la dose de 500 mg/j. La date de mise en oeuvre de ce traitement est l'objet de discussions. Certains auteurs commencent le valaciclovir le jour de l'acte chirurgical, d'autres 8 jours plus tôt. De même, la durée de ce traitement est l'objet de discussion. En tout état de cause, il doit être poursuivi au moins jusqu'à l'arrêt de la corticothérapie postopératoire. La posologie peut également être discutée et doit être adaptée à la sévérité de l'atteinte virale.
Concernant le zona ophtalmique chez le sujet immunocompétent, les autorisations de mise sur le marché sont très strictes. Chez l'adulte, elles précisent que la prévention des complications oculaires du zona ophtalmique fait appel au valaciclovir à la dose de 3 g par jour ou à l'aciclovir à la dose de 4 g par jour pendant 7 jours. Elles ajoutent que le traitement doit être administré le plus tôt possible après le début de l'infection. Un tel traitement permet de diminuer le risque de complication oculaire de 50 %. Chez l'immunodéprimé, le traitement doit être administré par voie veineuse.
Concernant les atteintes intraoculaires, enfin, uvéites herpétiques et nécrose rétinienne virale, les posologies prévues par les autorisations de mise sur le marché sont très insuffisantes et le traitement doit être prolongé pendant plusieurs années. Malheureusement, peu de travaux portent sur ces indications.
Les antiviraux sont ainsi efficaces et bien tolérés dans la prévention des récurrences d'herpès oculaire. Les conditions de l'AMM sont toutefois très insuffisantes dans certains cas. L'extension des indications et des posologies sont actuellement en cours de discussion.
D'après un entretien avec le Pr Bahram Bodaghi (service d'ophtalmologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris).
(1) Labetoulle M et coll. Incidence of herpes simplex virus keratitis in France. Ophthalmology 2005;112 (5):888-95.
(2) The Herpetic Eyes Studies Group. Acyclovir for the prevention of recurrent herpes simplex virus eye disease. Herpetic Eye Disease Study Group. N Engl J Med 1998 ; 339 (5) : 300-6.
(3) Miserocchi E et coll. Efficacy of valacyclovir vs acyclovir for the prevention of recurrent herpes simplex virus eye disease : a pilot study. Am J Ophthalmol 2007 ; 144 (4) : 547-51.
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