Après le premier tour des législatives

La stratégie payante de Sarkozy

Publié le 11/06/2007
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LES PROJECTIONS en sièges (au lendemain du second tour) sont impressionnantes : elles accordent entre 400 et 500 (!) députés à l'UMP et au Nouveau Centre. Dans l'Assemblée sortante, l'UMP avait une majorité (absolue) de 355 sièges. La progression, si elle se confirme, serait donc tout à fait remarquable.

Pour autant, en dépit de l'ampleur de leur défaite, les socialistes ne sont nullement laminés, puisque le PS recueillerait entre 28 et 29 % des voix. Or, en 2002, 24,11 % des suffrages étaient allés aux socialistes. Ce qui signifie que, pour ce qui est du nombre des voix, le PS a progressé cette année de près de 5 %. Ce que peu de commentateurs semblent avoir relevé. En outre, le PC ne recule pas par rapport à 2002 : environ 5 % contre 4,85 il y a cinq ans. En revanche, les Verts passent de 4,51 à 2,8 %. Mais au total, l'ensemble de la gauche (y compris le PC, mais sans l'extrême gauche) aurait recueilli cette année 36,4 % des suffrages contre moins de 33 % au premier tour de 2002.

L'écrasement du Front national.

Le PS en particulier et la gauche parlementaire en général ont donc non seulement résisté, mais ils ont avancé. Leur défaite ne vient pas de l'érosion de leurs positions, mais du renforcement exceptionnel de l'UMP qui, loin de prendre des voix à la gauche, pourfend littéralement le Front national, lequel passe de 11,34 % des voix en 2002 à 4,6 % selon les estimations dont nous disposions à l'heure où nous rédigions ces lignes.

Cela signifie que la formidable manoeuvre d'écrasement du FN lancée par Nicolas Sarkozy depuis le début de sa campagne lui a permis d'être élu président et s'est nourrie de sa propre dynamique lors de ce que l'on appelle le « troisième tour ». Le peuple français a ratifié le programme annoncé par le nouveau président et lui demande avec force de l'appliquer dès à présent. Jean-Marie Le Pen a déclaré qu'il attendait des jours meilleurs et a salué le «talent d'illusionniste» de Nicolas Sarkozy. Il demeure que les anciens électeurs de l'extrême droite ont rejoint massivement le giron républicain (accueillons-les à bras ouverts) et que M. Le Pen, dont le rôle indirect, depuis trente ans, aura constitué à affaiblir la droite classique et donc à renforcer la gauche, est privé durablement de ce rôle.

C'EST L'EFFONDREMENT DU FN, PAS L'AFFAIBLISSEMENT DU PS QUI EXPLIQUE LE TRIOMPHE DE L'UMP

Modem, un feu de paille.

L'autre facteur qui explique la hauteur incomparable de la vague bleue, c'est le feu de paille qu'a été, au cours des six derniers mois, le phénomène Bayrou. On nous accordera le crédit de n'y avoir jamais cru, même quand les sondages lui donnaient intempestivement 24 % des voix. Depuis qu'il a atteint ce zénith, François Bayrou se voit comme le phénix de ces bois ; il n'est pas encore descendu de son fragile piédestal, alors qu'il n'a pu se maintenir pour le second tour de la présidentielle et que, en dépit d'un échec qui le disqualifiait, il a jugé utile de prétendre jouer encore un rôle entre les deux tours ; il n'a créé le Modem que pour voir la plupart des élus UDF, y compris ceux qui l'avaient soutenu, rejoindre le camp sarkozyste.

Le Modem, au demeurant, n'est pas non plus une formation négligeable puisqu'il aurait recueilli 7,4 % des voix. Ce qui nous conduits à écouter avec scepticisme les nombreuses dénonciations, exprimées dimanche soir par la gauche, du « danger » que représenterait désormais pour le pays une droite omnipotente. C'est l'argument du pauvre : la puissance, la droite ne l'a pas obtenue par un coup de force, mais conformément aux règles démocratiques.

On retrouve cette année la même consternation qui a suivi la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour de la présidentielle en 2002 : le « peuple de gauche » avait alors manifesté massivement comme s'il y avait deux démocraties, celle des urnes et celle, supérieure, de la manif. Pourquoi les électeurs, à qui on n'avait cessé de répéter dans les médias qu'il fallait s'attendre à un raz de marée de la droite, ne se sont-ils pas mobilisés dimanche pour voter à gauche, sinon parce que la gauche les a profondément déçus ? Pourquoi le seul discours du PS depuis le 6 mai se limite-t-il à une avalanche de critiques du pouvoir ? Pourquoi le PS, en se comportant de la sorte, s'est-il borné à poursuivre la campagne de la présidentielle comme si elle n'était pas terminée ? Pourquoi la gauche n'a-t-elle pas eu la grâce de reconnaître que, dès lors que M. Sarkozy pratiquait l'ouverture, les hommes et les femmes qu'il a appelés à ses côtés ne lui servaient pas seulement de faire-valoir, mais nous garantissaient à tous l'ouverture de son programme ?

Le droit de vote méprisé.

Sur TF1, Bertrand Delanoë a rappelé que le point important de ce premier tour des législatives, c'est le taux record d'abstentions. On lui accordera sans réserve la validité de son jugement. Il reste néanmoins aux socialistes à mobiliser leurs forces pour atténuer la victoire de l'UMP et du Nouveau Centre au second tour. De son côté, François Hollande a fait remarquer que les jeux ne sont pas faits et que l'électorat de gauche peut encore se manifester. Nous le souhaitons profondément. Nous souhaitons que les Français votent tous, parce que le suffrage dont ils disposent est ce qui fait la différence entre la France et les dizaines de pays où les gens meurent pour obtenir le droit de vote. Nous souhaitons que la gauche, au lieu de manifester, de récriminer, de disqualifier, de condamner, de vitupérer, de prédire l'apocalypse, de rouler des yeux effarés chaque fois que M. Sarkozy fait un geste, comme s'il était le diable en personne, se contente de voter, de faire la preuve de sa force par les urnes et, peut-être aussi, de présenter un programme crédible.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8183