Rarement, de mémoire de généraliste, a-t-on autant parlé des deux organisations représentatives des médecins de famille, disséqué leur stratégie semaine après semaine et glosé sur l'opportunité de tel ou tel mot d'ordre.
Après plus de deux mois de grève des gardes et alors que les négociations se poursuivent entre l'assurance-maladie et MG-France uniquement, les deux syndicats de généralistes se retrouvent en première ligne.
Pour les responsables de MG-France comme pour ceux de l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF), il s'agit de démontrer, y compris en interne, l'opportunité des décisions prises au cours de ces semaines historiques, qui engageront sans doute la profession pour plusieurs années.
Une position délicate
MG-France, minoritaire, seul signataire de la convention généraliste, a la position la plus délicate.
Sa stratégie de compromis, consistant à rechercher avec les caisses d'assurance-maladie les termes d'un accord global qui revalorise « toutes les facettes du métier de généraliste », avec comme préalable un « rattrapage sur le C » à hauteur de 18,5 euros (et non pas 20 euros), a désemparé une partie des adhérents les plus fidèles. Au sein même du syndicat, deux lignes distinctes s'affrontent actuellement, certains estimant que la direction actuelle n'est « pas assez combative ». Autrement dit, de la recherche du compromis à la compromission, il n'y aurait qu'un pas.
Il n'est pas anodin à cet égard que le Dr Pierre Costes, président de MG-France, ait appelé les médecins à continuer de se « mobiliser », alors même que la négociation se poursuit avec les caisses et que les deux parties veulent conclure un accord avant la fin de la semaine prochaine.
Ce n'est pas la première fois que le discours officiel de MG-France est peu lisible par la base. Il y a quelques semaines, son appel à organiser le mouvement de grève des gardes dans le cadre d'un « service minimum de garde » a pu surprendre certains généralistes. « Quand les médecins crient leur ras-le-bol, ce message est difficilement audible », admet un cadre du syndicat. Un autre, membre des instances dirigeantes de MG-France, est catégorique : « Disons qu'il y a actuellement un débat démocratique fort au sein de MG-France, déclare-t-il. Les avis sont sérieusement partagés et l'accord actuel [de revalorisation d'honoraires] ne correspond pas au vote de la dernière assemblée générale. »« En fait, analyse-t-il, cet accord qui aurait été excellent le 15 novembre dernier, à froid, ne sera peut-être pas suffisant pour arrêter le mouvement. Car je vois mal les généralistes qui sont passés aux 20 euros revenir en arrière et baisser leurs tarifs. ».
Pour le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), MG-France a pris le risque, en cas d'accord, de donner l'impression de « brader un mouvement populaire ».
La radicalisation : un épouvantail
Pour l'UNOF (branche généraliste de la CSMF), la position est apparemment plus confortable. Fer de lance d'un conflit qu'il a plutôt bien géré, le Dr Michel Chassang, président omniprésent de l'UNOF, peut se réjouir du succès du mouvement sur le terrain, de l'adhésion de l'opinion publique, et de la dynamique médiatique qu'il a lancée. Mais la réapparition des coordinations de médecins (plus ou moins indépendantes) dans une douzaine de départements montre que de nombreux généralistes ne se reconnaissent pas non plus dans le discours de l'UNOF. « Cela risque de rendre la situation incontrôlable », clame le Dr Chassang. La radicalisation du conflit est à la fois agitée comme un épouvantail et redoutée par l'UNOF, qui peut y perdre une partie de son audience.
Paradoxalement, certaines voix soulignent le risque d'un élargissement du conflit aux spécialistes libéraux, dans la foulée de la « Journée sans toubib » du 23 janvier, ce qui occulterait l'essentiel : la revalorisation de la rémunération des généralistes.
Pour les responsables syndicaux, la voie est décidément étroite entre la tentation de l'accord a minima et celle de la surenchère.
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