LE RÉSULTAT N'EST PAS convaincant : furieux de l'invitation adressée au Front national, le Parti socialiste a refusé de se rendre au rendez-vous de Matignon. La secrétaire générale du PC, Marie-George Buffet, a préféré y aller, mais pour exprimer sa colère au chef du gouvernement. Si la démarche de M. de Villepin était d'inspiration œcuménique, ou tout simplement démocratique, c'est raté.
On est tout prêt à admettre que, privé de tout soutien populaire, le pouvoir ne risquait pas d'aller bien loin s'il maintenait le cap fixé par Jean-Pierre Raffarin : nous n'en regretterons pas moins qu'on ait retiré du programme d'action gouvernementale à peu près tout ce qui fâche : on fait une pause dans la prévention routière en annonçant que le nombre de radars installé est suffisant ; on a dépêché Gilles de Robien à l'Education pour défaire ce qu'avait fait François Fillon, c'est-à-dire que, en somme, on renonce à la réforme, qui aurait pu être l'une des plus importantes de la législature ; on suspend la baisse de l'impôt sur le revenu ; même le contrat « nouvelle embauche », conçu par Dominique de Villepin, pourrait être amendé pour apaiser les syndicats.
Une mauvaise idée.
Tout ce à quoi on renonce n'était peut-être pas indispensable, notamme la réduction de l'impôt et la mise en location des chambres de bonne (une très mauvaise idée) pour les étudiants. Mais le tableau général est celui d'une démission du pouvoir face aux difficultés politiques. En réalité, le Premier ministre n'a plus qu'une mission à accomplir : assurer la reconduction de la majorité actuelle en 2007.
Le calme et la confiance de Dominique de Villepin montrent qu'il croit profondément à sa stratégie. Effectivement, s'il peut faire ce qui est désormais considéré comme un miracle, c'est-à-dire réduire le taux de chômage de quelques points d'ici à 2007, il n'est pas impossible qu'il arrache les Français à leur morosité actuelle. Malheureusement, le plan pour l'emploi qu'il a exposé dans son discours de politique générale ne séduit personne dans l'opposition et les syndicats, qui, après avoir été consultés par le gouvernement, seront prudemment mis à l'écart de la mise en application du plan. Il faudra bien, et le plus tôt sera le mieux, que le gouvernement tienne ses promesses.
Tout sûr de lui qu'il est, le Premier ministre ne doit pas oublier qu'il doit tenir compte de deux obstacles : le premier et le plus visible, c'est Nicolas Sarkozy, qui ne dit pas nécessairement ce que dit M. de Villepin, par exemple en ce qui concerne la sécurité et la justice. Si la stratégie de Villepin est de faire gagner la droite en 2007, c'est de la droite de Chirac qu'il s'agit, pas celle de Sarkozy. Aussi bien le ministre de l'Intérieur ne fera rien pour que le Premier ministre sorte grandi de son action personnelle.
ON AURAIT PU FAIRE MIEUX QUE LA BAISSE DE 5 OOO DU NOMBRE DE FONCTIONNAIRES
Le pavé de Breton.
L'autre obstacle est inattendu : c'est Thierry Breton qui a lancé un énorme pavé dans la mare quand il a dénoncé la dette publique parce qu'elle dévore la totalité de la recette de l'impôt sur le revenu et reproché aux Français de vivre au-dessus de leurs moyens. Toutes choses que nous écrivons depuis longtemps et que l'on lit souvent sous la plume de quelques chroniqueurs. Elles ne reflètent que la stricte réalité mais, dans la bouche d'un ministre de l'Economie, elles prennent un relief extraordinaire. M. de Villepin a-t-il approuvé les propos de M. Breton ? On ne sait pas, mais, si son objectif est de réconcilier le pouvoir avec les Français, ce genre de propos, très proche de ce que disait autrefois le professeur Barre, n'est pas indiqué.
C'est pourquoi une gouvernance qui serait toute vouée à des mesures d'apaisement, qui rendrait la parole au peuple au point de ne faire que ce qu'il demande (pour autant qu'il ait une demande cohérente à formuler), qui ne serait faite que de renoncements et laisserait filer les déficits (bonne façon de plaire à beaucoup de gens) produirait à terme des résultats désastreux. Assurément, M. de Villepin entend garder les leviers de commande et n'adoptera que des mesures qui ne détruiraient pas les réformes de M. Raffarin. C'est un jeu nuancé, qui consiste à saupoudrer le réformisme ou à le rendre insipide et inodore, tout en feignant de l'avoir abandonné.
Les partis politiques et les syndicats ne seront pas dupes, mais le Premier ministre veut seulement éviter une rentrée chaude avec grèves et manifestations. On verra à la rentrée si son charme agit.
Un symptôme alarmant.
Une chose est sûre : ce n'est pas en cassant le dos du réformisme qu'on réduira la dette nationale, qu'on créera des emplois, qu'on relancera la machine économique.
Un symptôme alarmant : le gouvernement a décidé que le nombre de fonctionnaires baisserait (seulement) de 5 000 en 2006. Or une occasion unique de réduire les effectifs se présente ces années-ci avec le départ à la retraite des baby-boomers. A l'UMP, il y a en a qui disent qu'on aurait pu faire mieux. C'est un délicat euphémisme. En réalité, on ne fait rien, car visiblement, on a décidé de satisfaire les syndicats. Même si l'on sait pertinemment que, pour créer des emplois dans l'industrie privée, il faut d'abord réduire la dépense publique, donc le nombre d'emplois dans le public.
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