De notre correspondante
à New York
Est-ce la fin d'un débat qui règne depuis plus de 10 ans ? « Aucun article scientifique unique ne peut vraiment clore complètement une controverse », répond au « Quotidien » le Dr Roberta Ness, une épidémiologiste de l'université de santé publique de Pittsburgh, qui publie avec ses collègues une métaanalyse dans l'« American Journal of Epidemiology ». « Toutefois, la taille et l'étendue de notre analyse donnent beaucoup de poids à l'idée que la stimulation ovarienne ne cause pas de cancer de l'ovaire. Après la parution aux début des années 1990 de deux articles très remarqués, suggérant un lien, plusieurs études reposant sur des petites séries de données provenant d'Israël, d'Italie, d'Australie, et du Danemark ont contesté la relation. Notre article, basé sur des données multinationales, procure plus de certitude sur l'absence de relation ».
Pour cette métaanalyse, Ness et coll. ont recueilli les données d'interrogatoire sur la fertilité et la stimulation ovarienne dans 8 enquêtes cas-témoins conduites, au total, auprès de 5 207 femmes atteintes d'un cancer de l'ovaire (cas) et 7 705 femmes indemnes (témoins).
Etats-Unis, Canada, Danemark et Australie
Ces enquêtes ont été menées entre 1989 et 1999 aux Etats-Unis (Cramer et coll, Mallin et coll., Goodman et coll., Ness et coll.), au Canada (Risch et coll.), au Danemark (Mosgaard et coll.) et en Australie (Purdie et coll.). Ness et coll. ont calculé les odds ratio (risques relatifs) après ajustement pour divers facteurs de risque de cancer ovarien (âge, ethnie, histoire familiale de cancer de l'ovaire, durée de prise des contraceptifs oraux, ligature des trompes, grossesse, éducation et site d'étude).
Les résultats montrent une nette relation entre l'infertilité et le risque de cancer ovarien. Parmi les femmes qui n'ont jamais été enceintes, celles qui ont essayé pendant plus de 5 ans ont 2,7 fois plus de risques de cancer ovarien que celles qui ont tenté pendant moins d'un an.
Il n'existe, en revanche, aucune association avec les stimulations ovariennes chez les femmes subfertiles (qui ont consulté pour infertilité ou tenté pendant plus de 2 ans d'être enceintes) et qui n'ont jamais été enceintes. En effet, chez ces femmes, le risque de cancer ovarien n'est pas significativement différent qu'il y ait eu ou non traitement, qu'il ait duré ou non plus d'un an, qu'il y ait eu prise ou non de stimulants spécifiques (clomifène et gonadotrophine ménopausale humaine) pendant plus d'un an.
Endométriose et infertilité de cause inconnue
Les résultats montrent plus précisément que deux types d'infertilité sont indépendamment associés à un risque accru de cancer ovarien : l'endométriose (OR = 1,73 ; IC 95% : 1,1 à 2,7) et l'infertilité de cause inconnue (OR = 1,19 ; IC 95% : 1,0 à 1,4). A l'inverse, les autres causes d'infertilité (problèmes menstruels ou d'ovulation, kystes de l'ovaire, trompes obstruées, problème de développement utérin, inflammation du col) n'y sont pas associées.
Enfin, les investigateurs ont constaté que parmi les femmes jamais enceintes, celles qui ont eu recours à une stimulation ovarienne ont seulement un risque accru de tumeurs séreuses non invasives de l'ovaire. Les chercheurs suggèrent que ceci est lié à une surveillance gynécologique plus intense dans le cadre du traitement de leur infertilité.
« Nos données, résume le Dr Ness pour "le Quotidien" , suggèrent qu'un facteur concernant la susceptibilité biologique à l'infertilité, en particulier l'endométriose et l'infertilité d'origine inconnue, semble élever le risque des femmes. Chez elles, comme chez celles ayant des mutations du gène BRCA (BReast CAncer), les médecins pourraient suggérer comme modes de contraception la pilule ou la ligature des trompes, qui toutes deux réduisent le risque de cancer ovarien. »
« American Journal of Epidemiology », 25 janvier 2002
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