L'ÉQUIPE du Pr Philippe Menasché (hôpital européen Georges Pompidou) a, la première, testé l'effet d'injection de myoblastes chez des sujets souffrant d'insuffisance cardiaque. Mais ce type de transplantation ne peut s'accompagner que d'une amélioration relative des fonctions cardiaques en raison d'une impossibilité des cellules à se différencier en cardiomyocytes. C'est donc tout naturellement que ces chercheurs ont proposé d'étudier l'effet de l'injection de cellules souches embryonnaires dans la prévention de l'insuffisance cardiaque postinfarctus du myocarde. En outre, ils ont eu l'idée de procéder à une expérience xénogénique afin de préciser s'il est possible d'obtenir des résultats fonctionnels à partir de cellules souches provenant d'espèces animales différentes du receveur.
Dans un premier temps, des cellules souches murines ont été marquées par une protéine fluorescente (afin de suivre leur devenir) puis mises en culture dans un milieu contenant un promoteur cardio-spécifique (facteur cardiogénique BMP2). Parallèlement, les chercheurs ont induit, par interruption de la circulation sanguine dans l'artère coronaire circonflexe, un infarctus du myocarde chez 18 moutons (9 d'entre eux étant éligibles pour le traitement et 9 considérés comme témoins).
Amélioration de la contractilité.
Deux semaines après l'accident coronarien, les chercheurs ont injecté en 25 sites du coeur 30 x 10 puissance 6 cellules souches dont 63 % en voie de différentiation cardiaque par le biais d'un abord direct en thoracotomie gauche. L'analyse de la fraction d'éjection systolique ventriculaire gauche (LVEF) deux semaines après l'infarctus n'a pas permis de déceler de différence entre les deux groupes de moutons. En revanche, par rapport à cette évaluation, les chiffres de LVEF étaient majorés de 6,6 % pour les animaux traités, alors que ceux des témoins étaient abaissés en moyenne de 9,9 %. L'analyse comparative du volume ventriculaire gauche et du volume diastolique dans les deux groupes a confirmé l'absence d'effet des cellules souches sur le remodelage ventriculaire. Mais le volume ventriculaire gauche des animaux traités s'est abaissé de 2,3 % chez les animaux ayant reçu une transplantation contre une hausse de 5,5 % chez les témoins. Ces améliorations de la contractilité se sont aussi traduites par une amélioration de la mobilité des parois myocardiques à un mois. Les auteurs ont ensuite comparé les résultats en termes de fonctionnalité. En effet, cinq des animaux ayant reçu une transplantation étaient traités par ciclosporine, alors que les autres ne bénéficiaient pas de traitement antirejet.
Colonisation en l'absence de traitement antirejet.
C'est chez ces derniers que les résultats se sont révélés les meilleurs, laissant penser qu'il existait, en l'absence de traitement immunosuppresseur, une meilleure colonisation du tissu myocardique par les cellules souches injectées.
Les investigateurs ont ensuite analysé par immunohistochimie les coeurs des différents animaux. C'est de cette façon qu'ils ont pu confirmer la présence de cellules souches différenciées en cardiomyocytes chez les animaux transplantés. Ils ont aussi pu constater qu'il n'existait pas, à un mois, de signe de transformation maligne des cellules injectées, y compris chez les animaux ne bénéficiant pas d'une immunosuppression.
Pour les auteurs, « ce travail prouve qu'il est possible d'obtenir une différentiation en cardiomyocytes fonctionnels à partir d'une xénogreffe de cellules souches embryonnaires. Il permet d'imaginer une utilisation thérapeutique interindividuelle de telles cellules, voire une utilisation interespèces ».
Claudine Ménard et coll. « The Lancet » vol 366, pp: 1005-1012, 17 septembre 2005.
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