ÉTONNANTE découverte d’une équipe Inserm : l’aire de Broca, connue pour être le siège du langage, est également activée lors de l’élaboration de tâches motrices plus ou moins élaborées.
Revenons en l’an 1861 : un patient de Paul Broca, neurochirurgien français, ne peut plus prononcer qu’une syllabe (tan) alors que ses muscles de la phonation ne sont pas paralysés. Le patient meurt. A l’autopsie, Broca observe des lésions importantes dans une région localisée dans le cortex préfrontal gauche. Cette aire, qui apparaît impliquée dans la capacité propre à l’homme de produire un langage syntaxique, c’est-à-dire un assemblage de mots constituant une phrase, est appelée aire de Broca.
Depuis quelques années, plusieurs études créent la surprise en révélant, grâce à l’imagerie, que cette aire de Broca est activée lors de tâches variées sans rapport évident avec le langage. Il fallait en savoir plus. Pour cela, des chercheurs de l’unité Inserm 742 (action, neuro-imagerie, modélisation), dirigés par Etienne Koechlin ont enregistré l’activité cérébrale de 16 sujets alors qu’ils effectuaient des séquences d’actes moteurs plus ou moins élaborées. Résultat : l’aire de Broca est activée systématiquement en relation avec les niveaux de complexité des séquences demandées. Explications. De même qu’une phrase utilise des mots formés de syllabes, pour suivre une recette de cuisine, le cerveau humain décompose les actions en trois niveaux hiérarchiques d’organisation plus ou moins complexes :
– l’acte moteur simple, par exemple, casser un oeuf ;
– les séquences d’actes moteurs : battre les oeufs en neige ;
– l’enchaînement de séquences motrices : réaliser un gâteau.
Question : comment la même région cérébrale peut-elle à la fois contrôler nos capacités linguistiques et l’organisation hiérarchique de nos comportements moteurs ? Les chercheurs estiment que notre faculté à produire un langage syntaxique constitue en fait la forme la plus aboutie de cette capacité à organiser hiérarchiquement nos actions.
«Les implications de ces résultats sont majeures», indique un communiqué de l’Inserm. D’un point de vue médical, cette découverte va permettre de chercher de nouvelles stratégies thérapeutiques dans certains troubles du langage.
Sur un plan plus fondamental, «cette découverte aide à éclaircir l’un des mystères de l’évolution, à savoir l’émergence du langage humain. Jusqu’alors, la faculté de l’homme à communiquer dans un langage articulé était attribué à l’apparition, au cours du temps, d’une nouvelle zone cérébrale spécifiquement dédiée à cette tâche. Or l’identification, l’année dernière, par des chercheurs canadiens, de précurseurs de l’aire de Broca chez le singe et, aujourd’hui, la publication de ces nouveaux résultats de recherche chez l’homme, permettent de corréler l’apparition de cette faculté à une complexification de ces précurseurs déjà existants. Un nouveau pas dans la compréhension de nos origines...».
Etienne Koechlin et Thomas Jubault. « Neuron », 15 juin 2006.
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