Jeunes internes ou généralistes, infirmières ou professeurs, ils sont nombreux, ces soignants, à éprouver ce sentiment de solitude face à la fin de vie des malades. « Cette plainte est récurrente, moins pour des raisons techniques que relationnelles, même si elle est plus marquée chez les jeunes »,affirme le Dr Isabelle Marin, responsable de l'équipe mobile de soins palliatifs, à l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis (93).
Si le médecin revendique souvent sa solitude, paradoxalement, celle de la période de fin de vie de son patient le touche différemment. Cette solitude est multifactorielle. D'abord, il y a la solitude du savoir : « On sait la mort de l'autre que l'autre ne sait pas, mais, précise le médecin, c'est le savoir de la maladie, pas du malade, que l'on connaît. » Le deuxième temps de solitude est celui de la décision. Même si le dossier est discuté avec l'équipe, il y a un temps pour trancher. Le médecin assume seul, par exemple, le retour à la maison ou la mort à l'hôpital. Ensuite, il y a la solitude de la parole. C'est le temps où le médecin, « sujet soignant », parle de la mort. La fonction du dialogue avec le mourant et/ou la famille est lourde au niveau symbolique. Enfin, le dernier temps de cette solitude supportée par le médecin s'affiche au moment de l'agonie. Le sentiment d'impuissance conduit le médecin au sentiment de solitude. Et c'est dommage, dit le Dr Marin, parce que, là, « la solitude du médecin se résume à son oubli des autres. Infirmières, aides-soignantes, bénévoles, mais aussi administratifs, ils ont tous eu un contact avec le mourant. Ils peuvent donc tous en parler ». Le premier travail du médecin est de s'ouvrir aux autres.
Reconnaître la détresse spirituelle
Pendant cette période inévitable, il faut d'abord rejoindre le malade dans sa solitude. Le Pr Catherine Leport, PUPH à l'hôpital Bichat dans le service des maladies infectieuses, est depuis longtemps impliquée dans cet accompagnement de fin de vie. Elle explique que, pour faire face à la détresse des malades, le médecin peut se former, apprendre un rôle et les moyens d'assumer ce rôle.
Au niveau diagnostique, il reconnaît la souffrance physique et psychologique du malade, mais aussi sa détresse spirituelle. Il peut oser entrer dans un colloque singulier avec le malade, loin des visites pédagogiques qu'il mène avec les étudiants. Il doit savoir écouter et partager avec les autres soignants et entretenir la relation avec l'entourage, tout en respectant la volonté d'information du patient.
Au niveau thérapeutique, le médecin ajuste les traitements, prend en considération les soins comme des moments privilégiés et souligne l'accompagnement des bénévoles comme relais à l'action médicale.
Ces questions du rôle du médecin face à la solitude de fin de vie doivent être intégrées au cursus de formation, car ces actions ne sont pas généralement engagées, conclut le Pr Leport.
Les infirmières et les aides-soignantes qui accompagnent le malade revendiquent, elles, un travail pluridisciplinaire, un meilleur respect de la relation, l'importance du soutien psychologique et des soins du corps et de l'âme pour tâcher de soulager le malade en fin de vie. « Même la mort attendue et préparée continue d'être difficile, souligne encore Marie-Fleur Bernard, infirmière de l'équipe mobile d'accompagnement et de soins palliatifs à l'hôpital Emile-Roux, de Limeil-Brévannes. La solitude nous touche toujours. Parfois, nous la reconnaissons simplement dans le fait de savoir qu'on ne peut pas tout partager de cette souffrance et de cette solitude ».Un constat difficile qui rapproche les soignants dans une solitude partagée.
* JALMALV Paris-Ile-de-France, 132, rue du Faubourg-Saint-Denis, 75010 Paris, tél. 01.40.35.89.40, fax 01.40.35.17.26.
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