DANS UNE cohorte de 823 personnes âgées suivies à raison d’une visite annuelle pendant quatre ans, les individus solitaires ont un risque plus que doublé de développer un syndrome « Alzheimer-like ». Une autopsie a été réalisée chez certains individus qui sont décédés pendant ce temps (n = 90). L’étude post mortem de leur cerveau montre, en revanche, qu’il n’y a pas d’association entre la solitude et des traits anatomiques de la maladie d’Alzheimer ou d’infarctus cérébraux. Autrement dit, la solitude n’est pas associée aux plaques bêta-amyloïdes, aux enchevêtrements neurofibrillaires, ni aux AVC.
La cohorte de personnes âgées de plus de 80 ans à l’inclusion a été étudiée à l’aide d’une échelle d’évaluation de la solitude, d’une part, et des outils diagnostiques des démences et des fonctions cognitives, d’autre part.
Les résultats – apparition d’une démence chez 76 sujets, déclin cognitif plus rapide chez les personnes isolées – «suggèrent que la solitude peut contribuer au risque de démence Alzheimer-like au cours de la vie tardive. Et que cela se fait par d’autres mécanismes que ceux en cause dans la maladie d’Alzheimer et dans les infarctus cérébraux».
L’environnement social.
Les études antérieures recherchant des relations entre la richesse de l’environnement social et les pertes cognitives ont fait souligner le rôle de l’isolement social, défini comme l’absence physique d’autres personnes.
Dans ces études, différents éléments, comme la richesse du réseau social, le fait d’être marié et d’être engagé dans des activités impliquant des interactions sociales, jouent en faveur de la conservation des aptitudes cognitives, étant associées à un risque réduit de développer des démences. On trouve que non seulement la quantité des interactions sociales, mais aussi la qualité de l’attachement social, ont des effets sur le risque de démence tardive.
A l’inverse, une étude antérieure, menée pendant dix ans chez plus de 200 personnes, montre que «la solitude est associée à une accélération du déclin cognitif dans de multiples domaines fonctionnels».
C’est la première fois qu’un résultat émerge d’observations sur une durée courte. Comment s’explique cette association ?
Pour une part, on peut estimer que la solitude est une conséquence de l’effet de la démence débutante qui, réduisant les capacités de communication et d’interaction, réduit les contacts avec les autres.
Mais cela n’est pas suffisant. Une autre explication est que la solitude pourrait dénaturer les systèmes neurologiques qui sous-tendent la cognition et la mémoire, par défaut de stimulation et de mise en oeuvre régulière de leur activité.
Les individus esseulés deviendraient de ce fait plus vulnérables aux neuropathologies liées à l’âge (« défaut de réserve neuronale »).
Réduction de l’arborescence dendritique.
Le fait est que les animaux mis en situation d’isolement social présentent une réduction de l’arborescence dendritique au niveau de l’hippocampe et du cortex préfrontal, ainsi qu’une régulation négative des facteurs neurotrophiques Bdnf (Brain Derived Neurotrophic Factor), responsables de la plasticité neuronale. Comme chez les humains, des travaux ont montré que la solitude favorise une altération des aptitudes sociales, «le système neuronal qui sous-tend les comportements sociaux pourrait être moins élaboré chez les personnes seules et, en conséquence, moins apte à compenser les pertes liées à l’âge touchant d’autres systèmes neuronaux.»
La dépression a-t-elle une influence sur le risque de démence ? Après cotation sur les échelles d’évaluation, on constate que l’isolement est plus fortement corrélé que la dépression et de manière indépendante.
Cela fait plutôt penser que «la dépression est une composante importante de l’association connue entre les symptômes dépressifs et la maladie d’Alzheimer.»
« Arch Gen Psychiatry », 2007 ; 64 : 234-240.
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