La plus que séculaire Société française de santé publique (elle a été fondée en 1877 sous l'intitulé de Société de médecine publique et d'hygiène professionnelle) n'a rien perdu de sa vocation d'aiguillon. Forte de son expertise multidisciplinaire, elle réunit des experts dans quantité de domaines (cliniciens, pharmaciens, biochimistes, vétérinaires, agronomes, juristes, architectes, urbanistes et politiques) pour alimenter dans tous ses aspects le débat national autour des grands sujets de santé publique.
Un diagnostic sévère
Evidemment, l'échéance de l'élection présidentielle, dans cette perspective, ne pouvait lui échapper. Pendant plus d'un an, un groupe de travail a donc planché sous la houlette du Pr François Grémy : PUPH, généralistes, gérontologue, directeur d'hôpital, ingénieur en environnement, etc. Non pas pour concocter une étude de plus sur les surabondants sujets qui défraient l'actualité sanitaire française et internationale, mais pour « sensibiliser » les politiques sur les enjeux de la santé, les dysfonctionnements des institutions spécialisées et l'urgence des politiques cohérentes et efficaces en la matière.
Le Pr François Grémy porte un diagnostic sévère sur l'intérêt des élus pour la santé. Or, assure-t-il, « la santé est une mission régalienne dont aucun Etat ne peut se départir. Et devant toute décision politique, la question "Quel impact pour la santé ?" ne devrait jamais être éludée ».
Parmi les « questions-propositions » du groupe de travail, telles qu'elles ont été validées par la SFSP, plusieurs découlent de l'évolution majeure du paysage épidémiologique français, passé au cours du XXe siècle des maladies infectieuses aiguës à la domination des affections et états chroniques. Les patients, du coup, ont considérablement changé et, depuis l'apparition du SIDA en particulier, ils sont devenus des malades d'autant plus exigeants qu'ils sont mieux informés.
Il faut aujourd'hui qu'ils soient « aidés dans leur navigation parmi les nombreux professionnels et institutions, sanitaires et sociales, avec des réseaux de soins coordonnés et des réseaux de santé. Cela doit constituer une authentique et attrayante alternative au modèle classique, trop respectueux du secteur hospitalier. Il faut en finir, à cet égard, avec l'hospitalocentrisme », proclame le Pr Grémy.
Rémunération forfaitaire
Parmi les autres propositions, l'évolution du mode de rémunération des praticiens pourrait s'orienter vers une rémunération forfaitaire, adaptée à la continuité du processus de soins, et non plus vers une rémunération à l'acte. Quant à l'assurance-maladie, elle pourrait devenir une caisse d'assurance santé, chargée de piloter et de financer, si possible de façon coordonnée et avisée, les actions tant de promotion, de prévention, de dépistage, de soins curatifs et de réhabilitation, et peut-être même de formation continue.
Sur le chapitre, précisément, de la formation, la SFSP déplore « le sentiment d'autosatisfaction persécutée » dans lequel elle est dispensée à la profession médicale. « Moi-même, avoue le Pr Grémy, je ne suis pas fier des cours que j'ai donné au long de ma carrière de PU, en éduquant à l'autoadmiration mes étudiants, sans rien leur apprendre du contexte de leur exercice et des problèmes de citoyenneté dont ils sont partie prenante. »
« C'est donc d'une remise à plat complète que notre appareil de soins et de santé a besoin, conclut le groupe de travail. Une remise à plat pas seulement technique et organisationnelle, mais qui met avant tout en jeu la conception que l'on a des relations entre les hommes, les institutions et les corporations. »
Somme toute, il y faut une vision. « Ce qui fait parfois défaut à un ministre comme Bernard Kouchner, juge François Grémy . Comme la plupart de ses prédécesseurs (exceptions faites pour Simone Veil et Claude Evin), il gère le paysage de santé publique au coup par coup, sans réellement globaliser et hiérarchiser les problèmes. »
Tout de même, les agences sanitaires mises en place à son initiative ne représentent-elles pas une avancée de la démocratie et de la transparence sanitaires ? « Leur genèse répond surtout à une efflorescence réactionnelle, sous le coup d'un événement ou d'une crise, répond le président du groupe de travail . Elles sont, en outre, fondées sur l'appauvrissement du ministère, qui fait qu'on déshabille Pierre pour habiller Paul, tout en opacifiant encore le système. »
Et la loi sur le droit des malades ? « Un bon début, concède-t-il, mais on peut faire beaucoup mieux encore. Voyez les Etats-Unis, où, actuellement, 30 % du trafic sur Internet porte sur les questions de santé. C'est ce qui va se passer chez nous dans les cinq ans et nous n'y sommes pas du tout préparés. »
La Société française de santé publique se défend naturellement de toute instrumentation politique, par un bord ou un autre. Elle entend apporter une « contribution-provocation » au débat politique, quitte à ce qu'elle prenne l'apparence d'un pave jeté dans la mare.
Les dix priorités de la SFSP
Sélectionnés et développés en 1995 lors de son assemblée générale, les dix priorités de santé publique de la SFSP n'ont pas été modifiées depuis. Elles ne couvrent pas de façon exhaustive tous les champs de la santé, mais constituent autant de priorités en raison du grand nombre de personnes concernées, des conséquences sérieuses qu'elles représentent sur le bien-être des individus, ainsi que de l'existence de possibilités, même difficiles, à mettre en oeuvre, d'agir sur les causes par une politique de prévention :
1. Réduire l'alcoolisme
2. Combattre le tabagisme
3. Se mettre à l'écoute des toxicomanes
4. Aider à une meilleure connaissance dans le domaine de la santé mentale
5. Soutenir les personnes âgées
6. Prévenir la pollution de l'air
7. Garantir l'accès aux soins pour tous
8. Aider à une meilleure maîtrise des dépenses de santé
9. Promouvoir la santé et la sécurité sur les lieux de travail
10. Agir pour la prévention du SIDA et pour la prise en charge des personnes infectées.
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