Christian Blanc, ancien P-DG d'Air France, a annoncé sa candidature à l'élection présidentielle ; lors de l'émission de Christine Ockrent, « France Europe Express », un sondage indiquait que 62 % souhaitent la présence dans la campagne électorale d'un candidat de la « société civile ».
La politique n'a jamais cessé d'être un métier dont il faut connaître les ficelles. La référence à la société civile indique une certaine lassitude des électeurs à l'égard de personnages politiques qu'ils ont beaucoup vus et entendus et qui les ont déçus. Mais rien ne garantit les Français contre des erreurs que peuvent commettre des hommes ou des femmes politiques qui n'ont pas acquis un minimum d'expérience et seront, comme les autres, façonnés par les médias.
L'idée d'aller chercher de nouvelles têtes (ou de nouveaux esprits) en dehors de la classe politique n'est pas nouvelle, même dans le cas d'une candidature à la présidence de la République. M. Blanc, pour examiner cet exemple, est d'autant plus motivé qu'il a rencontré, lorsqu'il gérait de grandes entreprises publiques, des obstacles dont il a vite compris qu'ils ne seraient vraiment franchis que lorsque serait lancée une vaste réforme de l'Etat et de la fonction publique.
On savait pourtant que M. Blanc avait des convictions proches de celles de Michel Rocard, lui-même réformateur remarquable mais qui n'a jamais su donner de lui une image assez forte pour convaincre l'électorat de le porter à la magistrature suprême. La médiatisation de la politique fait beaucoup de victimes : il serait plus juste que les hommes et les femmes politiques soient jugées sur leur bilan plutôt que sur leur mine.
Mais il est vrai que des candidatures atypiques ont été déclarées cette année : celle de M. Blanc, bien sûr, mais celle aussi de Jean-Pierre Chevènement, qui ne vient pas du tout de la société civile mais a fait beaucoup d'allers-retours entre le pouvoir et la retraite. M. Chevènement, comme Christian Blanc, s'est dit un jour que, s'il voulait faire passer ses idées, il ne devait pas craindre de se présenter à la présidence de la République.
Corinne Lepage, avocate de formation et ancienne ministre RPR, appartient à la même catégorie. Elle a eu tout le loisir, quand elle était au gouvernement, de constater qu'on n'y prenait pas l'écologie au sérieux, alors qu'elle exprime des idées qui, par rapport à celles des Verts, fort imbus de leur spécificité, mais en même temps fort peu responsables sur le plan politique, ont le mérite de ne pas mettre en danger le fonctionnement de l'économie.
Ces candidatures, dont la moins marginale est celle de M. Chevènement, qui obtient 10 % des suffrages dans les sondages, apparaissent néanmoins comme des candidatures de témoignage, même celle de l'ancien président du Mouvement des citoyens qui ne devrait pas, sauf coup de théâtre sans précédent, figurer au second tour.
Pourquoi les Français, dont beaucoup sont las de la dichotomie gauche-droite, hésitent-ils à faire jusqu'au bout un choix risqué, mais courageux ? Pourquoi choisissent-ils un président, comme beaucoup d'autres peuples d'ailleurs, par défaut, et davantage pour ne pas avoir l'autre candidat que pour avoir celui qui finit par recueillir leurs suffrages ?
Sans doute parce qu'ils savent ce qu'ils ont déjà et qu'ils ignorent ce qu'ils auront s'ils sautent le pas. Il n'est pas difficile, par exemple, de deviner que M. Chevènement serait ferme face à l'insécurité mais qu'il nous engagerait dans une série de renoncements européens ; que Mme Lepage semble trop fragile face aux cruautés du débat politique ; que M. Blanc est tout de même l'archétype du technocrate et que, s'il est vierge de la politique, il ne l'est pas de la gestion, avec les choix ravageurs qu'elle implique.
La majorité, dans une démocratie, est inévitablement composée d'électeurs qui, par principe, ne prennent jamais de risque. Quand les candidats marginaux, par exemple Arlette Laguiller ou Jean-Marie Le Pen, nous disent que Jospin et Chirac, c'est bonnet blanc et blanc bonnet, ils apportent un argument énorme à tous ceux qui, précisément, ne veulent ni d'un bonnet vert, ni d'un bonnet rouge, ni d'un bonnet noir.
Enfin, il n'est pas sûr, mais c'est le revers de la médaille démocratique, que les Français soient assoiffés de réformes ou indignés par les blocages structurels de leur société. Depuis le temps que règnent dans ce pays les plus excessifs des pamphlétaires, s'ils avaient la moindre influence, cela se saurait.
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