Quelques chiffres, tout d'abord : en 2001, plus de 50 % des cliniques se trouvent dans une situation déficitaire, contre « seulement » plus de 30 % en 2000. En 2001 toujours, et pour la première fois, rentabilité économique et financière sont toutes deux négatives. La première, qui a chuté de 140 % depuis 1995, atteint - 0,9 % en 2001. Quant à la seconde, elle est de - 4,7 %.
Ces données résument l'ampleur du déséquilibre économico-financier auquel doivent faire face les cliniques privées depuis quelques années. L'Observatoire économique des cliniques privées françaises MCO, en relation avec le cabinet CTC-Conseil, a profité des journées annuelles de la FHP pour rendre publics les premiers résultats de son analyse des exercices 2000 et 2001. Des résultats qualifiés de « très inquiétants » sur les perspectives à court terme du secteur hospitalier privé sous Objectif quantifié national (OQN).
Premier enseignement tiré de l'analyse comptable : les cliniques maîtrisent leurs achats directs (les consommables) et indirects (l'ensemble des logistiques et sous-traitances). Cependant, plus de 50 % des cliniques MCO de l'échantillon étudié par l'observatoire sont déficitaires en 2001. En effet, sur 134 cliniques analysées, 70 cliniques sont en déficit en 2001 (soit 52 % des cliniques), contre 44 en 2000 (soit 32 % des cliniques), soit une progression des établissements en perte de + 62 %. Le niveau moyen de déficit constaté dans les établissements a augmenté en un an de 5 %, atteignant 405 000 euros en 2001.
Toujours en 2001, l'endettement global s'est accru de près de 3,5 points.
Quant aux frais de personnel globaux, ils se situeraient en moyenne à 52,5 % du chiffre d'affaires, alors que le seuil critique pour que soit maintenu l'équilibre des finances est de 50 %. En cause, l'explosion de l'intérim sur l'exercice 2001 (+ 50 %). Le coût des assurances s'envole également. Il augmente de 3 % de plus que le chiffre d'affaires en 2001, et même de 9 % si l'on considère la seule assurance responsabilité civile.
Le problème des investissements
Pour l'observatoire, le secteur hospitalier privé sous OQN est en difficulté, « non pas en raison de la faiblesse de son activité, puisque la croissance du chiffre d'affaires 2001 s'est élevée en moyenne de 4,8 %, mais en raison d'une envolée incontrôlable de certaines charges », au premier rang desquelles les dépenses de personnels (impact de la convention collective unique, mais aussi impact du rattrapage des salaires pour limiter l'hémorragie des personnels vers les hôpitaux désormais aux 35 heures) et les dépenses d'investissements (liés à la sécurité et à la qualité des prises en charge).
Ainsi, le passage aux 35 heures, la pénurie de personnel et les pressions salariales induites ont augmenté la fragilité des établissements qui présentent aujourd'hui une capacité limitée à assumer de nouvelles charges. Des établissements semblent donc menacés, certains à court terme et beaucoup à moyen terme, conclut l'observatoire.
Une autre enquête, publiée par la DREES* en avril dernier, montrait en revanche une légère évolution en 2000 du taux de rentabilité de l'ensemble des cliniques privées de + 1,2 %. Mais la FHP ne se satisfait pas de ce chiffre, qu'elle juge biaisé. Pour elle, « un taux de rentabilité légèrement supérieur à 1 % ne peut être considéré comme suffisant pour des entreprises soumises à des besoins d'investissements forts ».
Pour les experts économiques de la FHP, « la dégradation de la rentabilité économique est à porter au compte de l'augmentation de certaines charges subies par les établissements, au premier rang desquelles les frais de personnel, mais également la hausse incessante des charges réglementaires, coûteuses le plus souvent, mais non financées généralement ».
Quelles sont les perspectives pour 2002 ? Les tendances observées par la FHP sur les huit premiers mois de l'année montrent une croissance de la masse salariale d'environ 9 % et une hausse du chiffre d'affaires de plus de 6 %. L'augmentation du volume des actes s'explique principalement par des transferts d'activité des hôpitaux publics vers les cliniques privées du fait du passage aux 35 heures des personnels de la fonction publique hospitalière. L'observatoire, pour sa part, a analysé les situations comptables au 30 juin 2002. Lesquelles n'invitent pas à l'optimisme, convention collective unique oblige. Globalement, il est déjà possible d'indiquer que les exercices 2002 et 2003 seront critiques pour l'hospitalisation privée française MCO, indique l'observatoire, qui prévoit la poursuite de la croissance des charges, telles que les frais de personnel, les achats médicaux, les primes d'assurance, les charges mobilières et immobilières.
La situation est-elle irréversible ?
Quelles recettes ?
L'observatoire dénombre trois leviers pour améliorer les recettes des cliniques. A commencer par l'augmentation des redevances médecin-clinique (les redevances ont été stables en 2000 et 2001, représentant 4,1 % du chiffre d'affaires). Le problème, c'est que cette solution n'aurait qu'un effet limité.
Deuxième possibilité : les cliniques peuvent jouer sur le taux d'occupation, le tarif journalier et le taux de chambres particulières. Ce dernier apparaît comme le plus intéressant aux yeux de l'observatoire ; il n'aurait cependant d'effet qu'à moyen terme, et engendrerait à court terme de lourdes charges financières.
Troisième et dernier levier : les revalorisations tarifaires des recettes globales journalières et des frais d'utilisation du secteur opératoire. Les cliniques, prises individuellement, ont peu d'influence dans ce domaine : il constitue pourtant le levier majeur d'amélioration des résultats d'exploitation des structures, affirme l'observatoire, qui estime qu'une augmentation de 0,3 euro des forfaits de salle d'opération aboutirait à une hausse de 1,5 % du chiffre d'affaires d'un établissement MCO moyen.
* DREES : direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques.
Le Dr Max Ponseillé :« Une situation intenable »
Pour le président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), le Dr Max Ponseillé, les données alarmantes révélées par l'Observatoire économique des cliniques ne constituent en rien une surprise.
« Ces chiffres, qui montrent que le nombre d'établissements privés dans le rouge progresse d'année en année, prouvent l'augmentation incessante des coûts auxquels nous devons faire face, et qui nous mettent dans une situation intenable, explique le Dr Ponseillé. Cela prouve aussi que depuis des années, nous vivons sous des contraintes de sécurité et de personnel croissantes, avec des revalorisations tarifaires insuffisantes, qui n'ont jamais été à la hauteur de nos exigences. Même les gros établissements privés pluridisciplinaires sont touchés. Désormais, tous les secteurs de l'hospitalisation privée sont en danger. »
Pour aider les cliniques à se sortir de ce mauvais pas, le président de la FHP demande le rebasage de l'Objectif quantifié national (OQN) pour 2003, que Jean-François Mattei a fixé à + 4 % (voir page 3). S'il le qualifie d'intéressant, Max Ponseillé estime cependant ce taux insuffisant, car « il ne prend pas en compte l'évolution des dépenses des cliniques au cours de l'année 2002 ». La revalorisation des tarifs, dont les négociations commenceront au début de janvier, devra de même être satisfaisante, insiste Max Ponseillé. Enfin, dernier point important ; la FHP demande une juste répartition du fonds de modernisation des établissements de santé créé par le PLFSS 2002 entre les secteurs public et privé. « L'enjeu est d'importance, souligne Max Ponseillé. Les cliniques doivent avoir les moyens d'investir pour continuer à exister. ».
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