PREMIER numéro de rentrée et nouvelle maquette, « le Bulletin épidémiologique hebdomadaire » fait peau neuve. Avec un comité de rédaction renforcé, la nouvelle formule vise à améliorer la visibilité internationale du journal – résumés en anglais et traduction des mots clés, titres des articles et des tableaux ou figures – avec, à l’horizon 2007, une candidature à l’indexation dans Medline. A numéro inédit, étude inédite. Si la politique de réduction des risques liés à l’usage de drogues existe en France depuis 1993, jusqu’à présent son impact n’a pu être évalué que de manière indirecte : aucune estimation de la prévalence du VIH et du VHC portant sur un échantillon aléatoire et s’appuyant sur des données biologiques n’était disponible en France.
Pour la première fois en 2004, l’Institut de veille sanitaire (InVS) a mis en place une enquête de séroprévalence chez les usagers de drogues soutenue par l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (Anrs) et réalisée avec l’Institut national d’études démographiques (Ined) et le Centre national de référence (CNR) du VIH de Tours. Les résultats publiés aujourd’hui (« BEH » n° 33) confirment les données internationales : la réduction des risques a un impact important sur la transmission du VIH, cependant que l’effet reste très limité pour le VHC.
Anticorps anti-VIH et anti-VHC.
Les sujets inclus dans l’étude Coquelicot réalisée dans plusieurs villes (Lille, Strasbourg, Paris, Bordeaux et Marseille) sont des volontaires qui ont eu recours à des drogues injectables et/ou par inhalation (sniff) au moins une fois dans leur vie et qui sont pris en charge dans les dispositifs spécialisés de soins et de prévention ou dans des cabinets de généralistes prescripteurs de traitements de substitution aux opiacés. Une recherche d’anticorps anti-VIH et anti-VHC a pu être réalisée grâce à un autoprélèvement de sang au doigt, déposé sur buvard et adressé au CNR de Tours.
Avec un taux de participation de plus de 60 %, soit 1 462 inclus, dont 79 % ont accepté le prélèvement, l’enquête est représentative de la population des usagers de drogues, à l’exception des populations dites cachées qui ne fréquentent pas les dispositifs mis en place*.
La forte prévalence des anticorps anti-VHC reste préoccupante et témoigne d’une transmission persistante parmi les plus jeunes (moins de 30 ans). Près de 60 % des usagers sont séropositifs pour le VHC et près de 11 % pour le VIH. Chez les moins de 30 ans, qui ont pu bénéficier de l’ensemble des mesures de réduction des risques, les prévalences sont respectivement de 28 % et de 0,3 %. Cette différence entre le VHC et le VIH résulte, selon les auteurs de l’étude, d’une part, d’une prévalence globale plus élevée et, d’autre part, d’une transmissibilité plus importante du VHC comparée à celle du VIH. Le partage de seringues est un facteur de risque dans les deux cas, mais le VHC se transmet plus facilement que le VIH, le virus de l’hépatite C étant plus résistant à la dessiccation que le VIH. De plus, plusieurs études ont déjà montré que le partage du matériel de préparation favorise également la transmission du VHC. Celle-ci peut donc «se produire pour un nombre d’injections et de partage plus faible que pour le VIH et peut concerner des usagers n’ayant injecté qu’une seule fois dans leur vie», soulignent les auteurs.
Repenser la prévention.
Selon l’enquête Coquelicot, les pratiques à risque persistent : 13 % des usagers déclarent avoir partagé une seringue et 38 % avouent avoir partagé du petit matériel (coton, cuillère et eau). Le partage de la pipe à crack est une pratique très répandue (78 %) et l’échange de la paille de sniff une habitude fréquente (25 %). S’y ajoute un déficit de connaissances des usagers, qui ignorent (35 %) le risque lié au petit matériel, de même que leur statut sérologique pour le VHC. Si le niveau de dépistage est élevé (95 % ont été testés au moins une fois pour le VIH et 91 % pour le VHC), 27 % se déclarent à tort séronégatifs pour le VHC (les résultats sont plus concordants pour le VIH).
Le moment de l’initiation est particulièrement à risque : dans 80 % des cas, elle est réalisée par un tiers plus âgé, donc à fort risque d’être contaminé et de l’ignorer. Pour les auteurs, «il semble donc important de repenser les messages de prévention» qui devront mieux prendre en compte les évolutions des pratiques, les nouveaux publicset le contexte de consommation , «en insistant sur la prévention du passage à l’injection, le partage de petit matériel et l’initiation à la pratique d’injection, tant du côté DE l’initié que de l’initiateur».
* Un volet qualitatif de l’étude est actuellement en cours, qui tente d’apporter des éléments sur leur profil et leurs pratiques.
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