LA MESSE A DONC été dite, mais elle a été brève. Vendredi, les quelque 40 membres du Conseil national de l'Ordre des médecins se sont réunis à 9 heures en séance plénière au siège de l'institution.
Au menu, l'éventuelle dissolution de l'Ordre de Paris, miné depuis des mois par des rumeurs étayées plus tard par un accablant rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui décrit une institution «dans l'impossibilité de fonctionner», mettant en évidence des rémunérations versées aux membres du bureau «susceptibles d'être pénalement qualifiées».
A 11 heures, ce vendredi tombe un long communiqué de l'institution nationale (voir encadré) ne mentionnant jamais le mot de dissolution, mais indiquant que la procédure d'organisation de nouvelles élections générales à l'Ordre parisien avait été lancée.
Depuis la publication du prérapport de l'IGAS en août dernier, l'Ordre national, notamment par la voix de son président, le Dr Michel Legmann, a toujours dit qu'il ne souhaitait pas dissoudre l'Ordre parisien. Dans nos colonnes, Michel Legmann indiquait même le 12 septembre que, selon lui, «l'Ordre de Paris fonctionne et travaille», et précisait que «contrairement à ce qu'on peut lire ici ou là, aucune irrégularité, ou malversation, n'a été relevée dans le rapport». Si bien que Michel Legmann concluait en indiquant, «pour le moment, je n'envisage donc pas de dissoudre l'Ordre parisien, je vais laisser passer les élections (pour le renouvellement par tiers des conseillers parisiens, initialement prévues pour décembre, NDLR) , et, si les problèmes de conflits de personnes, qui constituent l'essentiel des problèmes de l'Ordre de Paris, continuent, alors je dissoudrai l'Ordre parisien».
Mais cette volonté affichée n'aura pas résisté aux événements ultérieurs. Lundi dernier, Roselyne Bachelot indiquait sur Europe 1 que le rapport définitif de l'IGAS était «accablant» et révélait «des problèmes de gestion considérables», ainsi qu'une «gouvernance en panne». La ministre demandait en conséquence au Conseil national de l'Ordre de «prendre ses responsabilités et de dissoudre le conseil départemental de Paris». Alors même que cette décision, aux termes du code de santé publique, incombe au conseil national et à lui seul.
Un rapport qui confirme le prérapport.
Cette prise de position n'est évidemment pas passée inaperçue. Au CNOM, le Dr André Deseur, délégué à la communication, confiait la semaine dernière au « Quotidien » que «le prérapport ne mettait pas en évidence de malversations», mais que les membres du conseil national allaient étudier «attentivement» le rapport définitif. «En fonction des éléments convaincants du rapport définitif, concluait-il, nous prendrons les décisions utiles.» Mais pour le CNOM, le rapport définitif ne dit rien de plus que le prérapport. Effectivement, le rapport définitif est la copie conforme du prérapport (« le Quotidien » a pu se les procurer) à cela près qu'il contient en annexe les commentaires des personnes incriminées dans le prérapport, suivis des réponses de l'IGAS, qui maintient sa préconisation de dissoudre l'Ordre parisien.
Une institution fragilisée.
Les événements se sont ensuite emballés. Plus tard dans la semaine, on apprenait que Michel Legmann avait proposé au Dr Didier Rougemont, président de l'Ordre parisien, de démissionner de son poste pour tenter de dénouer la crise. Selon nos informations, le Dr Rougemont aurait décliné cette proposition.
Le même jour, six hospitalo-universitaires, membres du conseil parisien, rendaient public un communiqué assurant «n'avoir reçu aucune gratification ni compensation pour les heures de travail passées au Conseil de Paris», et témoignant «au président sortant, Didier Rougemont, et à son secrétaire général sortant, Hervé Boissin, toute (leur) confiance face à cette entreprise de déstabilisation, tentée par ceux-là mêmes qui ont été mis en minorité par le nouveau Conseil (de l'Ordre de Paris) dont nous faisons partie».
Enfin, mercredi soir, Michel Legmann recevait par fax un courrier du directeur de cabinet de Roselyne Bachelot. Ce courrier, que « le Quotidien » a pu également se procurer, faisait monter encore d'un cran la pression exercée par le ministère sur l'Ordre national. Le directeur de cabinet y faisait tout d'abord la liste des «graves anomalies» relevées dans le rapport de l'IGAS, et concluait par ces mots : «ce constat (me) paraît de nature à justifier l'application» de l'article du code de santé publique relatif aux modalités de dissolution d'un ordre.
Mais le directeur de cabinet allait plus loin et concluait son courrier en assurant : «Je ne doute pas que l'institution que vous présidez saura, dans le cadre des prérogatives qui sont les siennes, faire preuve d'esprit de responsabilité pour permettre un retour du conseil départemental à un fonctionnement apaisé.»
Jeudi soir, dans une ultime tentative pour permettre au président de l'Ordre national de ne pas paraître se déjuger, Didier Rougemont indiquait au « Quotidien » que, «compte tenu de la situation et de mon souhait de ne pas être davantage sali, j'ai pris la décision de demander moi-même demain en session que soient désignés cinq membres pour gérer les affaires courantes de l'Ordre de Paris en vue de nouvelles élections. Je ne supporte plus d'être le fait d'une obstruction haineuse, stérile et inutile qui n'a comme seul objectif que de jeter discrédit et opprobre. Je souhaite que les dés soient relancés et qu'une nouvelle ère puisse rapidement voir le jour». Le CNOM a acté cette demande dans son communiqué publié à l'issue de la réunion.
Il reste à savoir quels seront les membres du Conseil national choisis pour gérer provisoirement l'Ordre parisien et organiser les prochaines élections. Au CNOM, on n'était pas en mesure de fixer la moindre date.
Quant à l'Ordre de Paris, il lui faudra du temps pour panser ses plaies. Tout dépendra évidemment du conseil et du bureau issus des élections à venir. Rien n'interdit en effet aux membres de l'ancienne équipe de se représenter, reste à savoir quel sera l'état d'esprit des 23 000 médecins de la capitale, électeurs de l'Ordre de Paris.
L'Ordre national, pour sa part, est évidemment fragilisé par cette mésaventure. Michel Legmann peut encore sortir par le haut en pesant de tout son poids pour mettre en place le plus rapidement possible le statut de l'élu qu'il appelle de ses voeux. Un statut qui donnera un cadre légal aux rémunérations et indemnités versées à un certain nombre de conseillers, tant à l'Ordre national que dans un certain nombre d'ordres départementaux.
La décision
«le Conseil national a dû constater, au vu du rapport définitif de l'IGAS et des procès-verbaux des réunions du conseil départemental, que si les missions de service public conférées par la loi aux instances départementales de l'Ordre avaient bien été assurées, la crise de confiance et le climat de tension sont demeurés tels que les conditions de sérénité et de confraternité indispensables au fonctionnement du conseil et en particulier aux débats de ses instances délibérantes ne sont plus réunies.»
En revanche, poursuit le Conseil , «le CNOM n'a relevé, dans les éléments dont il dispose, aucune malversation établie et c'est sur le défaut de sérénité et de confraternité indispensables aux débats et délibérations qu'est fondée sa décision: conformément aux dispositions de l'article L.4123-10 du code de la santé publique, le CNOM a décidé de proposer au préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France, de nommer au conseil départemental de la Ville de Paris une délégation de cinq membres avec pour mission de:
–fixer le calendrier d'élections permettant le renouvellement total du conseil départemental dans les meilleurs délais;
–prendre toute mesure permettant d'obtenir une participation élevée des médecins parisiens à ce scrutin;
–assurer, en lieu et place du conseil départemental, ses fonctions jusqu'à l'élection d'un nouveau conseil».
L'Ordre «poursuivra (...) son travail et souhaite que l'ampleur de ces difficultés et de leur médiatisation soient de nature à faire comprendre l'importance et l'urgence de ses demandes de modifications réglementaires et législatives».
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