Lors d’une coloscopie, la sédation par propofol administré par l’endoscopiste, comparée à celle réalisée par un anesthésiste, entraîne une satisfaction identique du patient et des effets secondaires moins importants.
L’UTILISATION du propofol par le gastro-entérologue pour la sédation du patient lors d’une coloscopie a fait l’objet ces dernières années de nombreuses études montrant l’efficacité et la sûreté de cette technique. Cependant, cette sédation réalisée sous contrôle du gastro-entérologue, n’a jamais été comparée à l’anesthésie générale réalisée par les anesthésistes. Elle pourrait constituer une alternative pour la sédation des examens endoscopiques, en cas de pénurie de ressources anesthésiques, à la fois humaine et financière : une problématique qui se pose actuellement dans tous les pays occidentaux. Des approches multiples ont déjà vu le jour aux Etats-Unis. En France, il existe un certain retard du fait de règlements sécuritaires entourant l’acte d’anesthésie particulièrement exigeants. L’idée est d’alléger la lourdeur qui entoure cet examen pratiqué aujourd’hui en routine. Une étude précédente, réalisée il y a deux ans, avait montré qu’une alternative est possible à l’anesthésie générale : le patient s’autoadministrant l’anesthésique à l’aide d’une pompe jusqu’à ce qu’il n’ait plus mal ou qu’il s’endorme.
Chez des patients à faible risque anesthésique.
Une étude a donc été mise en place entre novembre 2004 et mars 2005 afin de comparer la satisfaction et la sécurité des patients durant la sédation contrôlée par les endoscopistes à celles d’une anesthésie conduite par les anesthésistes. Des patients âgés de 18 à 80 ans, à faible risque anesthésique ASA I et II, selon la classification de l’American Society of Anesthesiology, hospitalisés pour une coloscopie, ont été randomisés. Ils ont été répartis en deux groupes.
Les patients du groupe A recevaient une anesthésie par propofol administrée par un anesthésiste. Dans le groupe S, le gastro-entérologue administrait lui-même 0,5 ou 1 mg d’alfentanyl, puis une dose de charge de 30 ou 50 mg de propofol. En fonction de la tolérance du patient, des bolus supplémentaires de 10 ou 20 mg étaient injectés par l’endoscopiste à l’aide d’une pédale reliée à une pompe préprogrammée. Tous les patients étaient surveillées par scope-ECG et recevaient 5 l/min d’O2 nasal. Le critère principal de jugement de l’étude était l’état de satisfaction du malade quatre heures après la coloscopie. Les autres critères étaient : son envie de recommencer l’examen selon les mêmes méthodes d’anesthésie, son absence de douleur, son souvenir de l’examen. Des données objectives étaient également recueillies au cours de l’examen : sa durée, le temps moyen de progression jusqu’au caecum, le nombre de désaturations, d’hypotensions et de bradycardies.
Pendant cette période de six mois, 261 patients ont bénéficié d’une coloscopie simple ; 148 étaient éligibles, 94 ont donné leur consentement et ont été randomisés. Les résultats ont montré que les scores moyens de satisfaction des deux groupes n’étaient pas significativement différents : 90,8 % dans le groupe S et 89 % dans le groupe A. Cependant, les patients du groupe S pensaient avoir eu un meilleur niveau de sédation (91 % contre 75 % dans le groupe A) et étaient prêts à avoir une nouvelle coloscopie (95 % contre 79 % dans le groupe A) ; et ce dans les mêmes conditions d’anesthésie.
Pas plus d’échecs.
Le souvenir de l’examen a été rapporté par 5 % des patients du groupe A contre 51 % chez ceux du groupe S. Les temps d’examen ont été respectivement de : 8,4 min (groupe S) versus 9,3 min (groupe A) pour le temps de progression jusqu’au caecum ; et de 16,7 min (groupe B) versus 17,7 min (groupe A) pour la durée totale de la coloscopie. Enfin, les difficultés de réalisation n’étaient pas différentes entre les deux groupes et le nombre d’échecs pour parvenir à la coloscopie totale a été identique dans chaque groupe. La dose de propofol injectée a été de 94 mg dans le groupe S versus 260 mg dans le groupe A. Quant aux effets secondaires, ils n’ont nécessité aucun geste de réanimation spécifique. La désaturation a été plus importante dans le groupe A (35 %) que dans le groupe S (6,6 %). Ce qui s’explique par le fait que les doses d’anesthésique administrées par le gastro-entérologue étaient inférieures à celles administrées par l’anesthésiste, notamment parce qu’elles étaient effectuées à la demande. L’hypotension a été de 44 % dans le groupe A et 24 % dans le groupe S, sans différence significative. La bradycardie a été de 13 % dans le groupe A et 8 % dans le groupe S, sans différence significative.
Ainsi, la sédation par le gastro-entérologue est techniquement réalisable chez des patients ayant un faible risque anesthésique. Elle entraîne moins d’effets secondaires qu’une anesthésie générale profonde et la satisfaction des patients est au moins équivalente à celle des patients ayant eu une anesthésie générale. Elle pourrait donc constituer une alternative intéressante. Cette technique est déjà pratiquée sur une grande échelle aux Etats-Unis. La dernière publication américaine portait sur 36 000 patients. Pour qu’elle puisse devenir réalité en France, il faudrait revoir les dispositions légales pour qu’elles autorisent la prescription de propofol par des non-anesthésistes et former les gastro-entérologues aux gestes de secours minimaux en cas de problème.
D’après un entretien avec le Pr Gilles Bommelaer, service d’hépato-gastro- entérologie, Hôtel-Dieu, Clermont-Ferrand.
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