Mercredi 6 novembre, un jeune homme en moto grièvement blessé est amené par les marins-pompiers de Marseille aux urgences de l'hôpital Nord. Il doit être opéré immédiatement et on le transporte vers l'ascenseur qui doit l'amener au bloc opératoire. Le monte-malades ne s'arrête pas à l'étage désiré. Le patient doit alors être transféré vers un autre ascenseur. A son arrivée au bloc, il décède. Quatre minutes se sont écoulées entre son arrivée aux urgences et son entrée au bloc opératoire. A l'heure actuelle, personne ne peut affirmer que le patient aurait été sauvé sans ce contretemps. Néanmoins, l'hôpital Nord de Marseille porte plainte contre X pour « dégradation volontaire et acte de malveillance caractérisée ».
Pour une maintenance suivie
« Durant les deux semaines qui ont précédé cet accident, il n'y a pas eu un jour sans panne », a confié le directeur, Gilles Halimi, à l'AFP. « Les quatre ascenseurs servant de monte-malades sont détériorés de manière volontaire. »
Les deux cellules de commande permettant l'ouverture et la fermeture des portes semblent en effet avoir été démontées avec un tournevis.
Michel Filleul est le directeur de l'architecture et du patrimoine des hôpitaux de Marseille. Il a pris ses fonction il y a quelques mois, et il est stupéfait de la vétusté du parc hospitalier. « Je découvre ici, à Marseille, les conséquences de l'absence de politique de maintenance suivie. »
Le parc marseillais compte cinq sites : 4 hospitaliers plus l'administration centrale, soit en tout 234 appareils, dont 102 ascenseurs, 58 monte-malades et 74 monte-charges. Ancienneté moyenne du matériel : 19 ans. Mais 27 ans pour les plus anciens à la Timone et 13 ans pour les plus récents aux hôpitaux Sud. Pour autant, l'architecte reconnaît le « bel effort des collectivités locales ». Sous l'impulsion de Guy Vallet, directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, un programme pluriannuel a été mis en place sur 6 ans pour le remplacement des parties les plus importantes des ascenseurs (cabines, moteurs...). En 2001, 220 00 euros ont été dépensés pour de tels travaux, contre 500 000 en 2002. Restent encore 4,2 millions d'euros pour les 4 années à venir (dont 950 0000 pour 2003). Les renouvellements proprement dits se font au besoin. « Par exemple, un moteur dont on sait qu'il n'a pas été changé depuis 15 ans, qui tourne bien, mais dont on se doute qu'il ne tardera pas à tomber en panne », explique Michel Filleul. Cette année, 200 000 euros devraient financer de très lourds travaux sur plus d'une centaine d'appareils : remplacement de portes de cabines, fillerie à remplacer.
Ce renouvellement massif n'est pas sans poser de problème : « On ne peut pas, évidemment, condamner tous les ascenseurs en même temps. C'est comme pour l'ensemble du matériel technique du parc hospitalier : lorsqu'on oublie la maintenance ou qu'on la traite de façon accessoire, on ne se contente pas de réparer, il faut tout changer », déplore Michel Filleul. « Je suis partisan d'une politique de maintenance suivie », affirme-t-il.
Ce sont des prestataires extérieurs qui assurent cette maintenance. « Nous passons des contrats de maintenance à "garantie complète", c'est-à-dire que le fournisseur prend en charge l'installation d'un ascenseur pour un prix donné, en nous garantissant un fonctionnement sans panne et en s'engageant à remplacer le matériel défectueux. »
Les contrôles techniques sont imposés par la réglementation (réglementation « sécurité incendie » et code du travail). Pour honorer cette obligation, les hôpitaux doivent recourir à des organismes agréés. Veritas, Socotec et Apave pour Marseille. 3 000 euros sont dépensés chaque année pour les contrôles techniques dans la cité phocéenne. Pour la maintenance, c'est environ 570 000 euros par an.
A Lyon, l'exploitation des 400 ascenseurs des 18 hôpitaux s'élève à 1 million d'euros chaque année. Dix prestataires assurent la maintenance du matériel. « Nous lançons un appel d'offres tous les trois ans et nous choisissons les plus compétents, les mieux organisés et ceux qui peuvent intervenir le plus rapidement », raconte Bruno Cazabat, chef du département à la direction des Affaires techniques des Hospices civils de Lyon. Le nombre d'ascenseurs varie d'un établissement à l'autre. Edouard Herriot, qui compte 1 000 lits, dispose de 80 appareils, Lyon Sud, pour le même nombre de lits, utilise 60 appareils, l'établissement gériatrique de Charpennes (300 lits) a 10 appareils. Le renouvellement du parc des ascenseurs (qui date de 15 à 40 ans) a lieu chaque année, à raison de 5 à 10 nouveaux appareils par an.
A la Pitié-Salpêtrière, à Paris, les ascenseurs les plus anciens datent des années 1952-1953, mais « tous sont en conformité », assure Jean Carel, ingénieur en chef des travaux à la Pitié. « Par exemple, plus aucun appareil chez nous n'a de paroi lisse, toute cabine est fermée par une porte intérieure. » La maintenance est confiée à trois prestataires, OTIS, Schindler et Koné.
Un renouvellement systématique
Les appareils sont vérifiés une fois l'an par des « bureaux de contrôle » qui rendent un rapport. Ce contrôle s'ajoute à l'entretien préventif effectué régulièrement, au moins une fois par mois.
Une « double sécurité », pour Jean Carel. « Même si nos appareils sont conformes aux normes de sécurité, nous les modernisons sans arrêt », poursuit-il. « En aucun cas, nous ne laissons un appareil qui pourrait être dangereux en route », insiste-t-il. Quant au renouvellement, il est systématique. Lors des restructurations, en particulier, les ascenseurs sont systématiquement remplacés. Cela a été le cas récemment avec la rénovation du pavillon Husson-Mourier, dans lequel cinq appareils ont été changés. Plus de 2,5 millions d'euros sont alloués chaque année à la Pitié aux travaux concernant les seuls ascenseurs, dont 1,5 million par an pour l'entretien.
« La sécurité est assurée en interne », précise Jean Carel. Une équipe de sécurité est présente 24 h/24 afin de pouvoir dégager à tout moment des personnes qui seraient coincées dans un ascenseur.
« Le système est donc beaucoup plus sécurisé qu'en logement collectif », remarque Jean Carel. « Les obligations de contrôle dans le secteur public sont drastiques. » Le ministre de l'Equipement et du Logement, Gilles de Robien, a récemment présenté en conseil des ministres un projet de loi destiné à renforcer la sécurité des ascenseurs. Il imposerait aux propriétaires trois obligations de mise aux normes, d'entretien et de contrôle technique. « Finalement, cela revient en quelque sorte à l'application au secteur privé de ce qui existe déjà dans le public », conclut Michel Filleul. La confiance règne donc dans les hôpitaux.
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