POUR CHASSER les arrêts de travail abusifs, l'assurance-maladie a décidément plusieurs cordes à son arc. Sa dernière, prévue par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2008, est expérimentale et devrait durer jusqu'en 2009, avant d'être évaluée, puis éventuellement généralisée, à toute la France en 2010. L'article 103 de la LFSS 2008 autorise en effet certaines caisses d'assurance-maladie («qui, en 2006, ont servi un nombre d'indemnités journalières par assuré supérieur à la moyenne nationale») à tenir compte des conclusions de contre-visites médicales sollicitées par les employeurs pour suspendre le versement d'indemnités journalières à des salariés, dès lors que leurs arrêts maladie sont injustifiés par rapport à leur état de santé. La nouveauté, c'est que la Sécu pourra mener une action coordonnée avec les médecins de sociétés spécialisées mandatées par les entreprises.
Ces contre-visites médicales à l'initiative de certains employeurs existent depuis 1978. Mais, jusqu'à présent, en cas d'avis défavorable, elles n'ont d'impact que sur le complément de rémunération versé par l'entreprise, n'interfèrent pas sur les indemnités journalières payées par la Sécu au salarié absent (soit environ 50 % du salaire de base dans la limite d'un plafond).
L'expérimentation désormais permise devrait débuter à la fin de mars dans neuf caisses de Sécu du régime général et de la Mutualité sociale agricole (MSA) : les caisses primaires d'assurance-maladie (CPAM) d'Amiens, d'Avignon, de Carcassonne, d'Evreux, de Reims et de Vannes, ainsi que les caisses MSA d'Armorique (Finistère et Côtes-d'Armor), de Gironde et d'Ile-de-France (Paris et Val-de-Marne).
Ce dispositif expérimental tend à renforcer encore la politique de l'assurance-maladie de lutte contre les abus et les fraudes, alors que les indemnités journalières (IJ) lui ont coûté au total 5,2 milliards d'euros en 2006 (11 % des dépenses de soins de ville du régime général). Depuis 2003, et surtout ces trois dernières années, les médecins-conseils des caisses ont multiplié les contrôles d'arrêts de travail (près de 800 000 à la fin de 2007, contre 677 000 en 2006). D'une part, ils les ont systématisés pour les arrêts de longue durée (à partir du 60e jour, puis dès le 45e jour) et, d'autre part, ils les ont ciblés sur les arrêts courts à répétition. Tous ces contrôles peuvent déboucher maintenant sur le remboursement du trop-perçu et sur des sanctions, à l'encontre tant des prescripteurs concernés que des assurés… ou même de leurs employeurs fautifs (qui sont soupçonnés parfois de gonfler les rémunérations déclarées, avec la complicité du salarié, en vue de faire surévaluer les IJ).
Il reste que l'assurance-maladie mise surtout sur la maîtrise médicalisée – en amont des prescriptions – pour engranger l'essentiel des économies potentielles sur les IJ. Depuis 2005, elle incite chaque année les médecins libéraux à lever le stylo en matière d'arrêts maladie : l'avenant conventionnel n° 23 avait fixé un objectif de réduction de 2,5 % du nombre de journées indemnisées en 2007 par rapport à la tendance (soit 80 millions d'euros d'économies, finalement non réalisées l'an passé) et un objectif de – 1 % pour 2008.
« Paranoïa ».
En tout cas, la coupe est pleine pour les syndicats de médecins prescripteurs. A l'automne 2007, déjà, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) s'était opposée aux contre-visites «par d'autres confrères payés par les employeurs», au motif que les médecins libéraux étaient déjà «hypercontrôlés» et que cela revenait à «tomber dans la paranoïa de l'arrêt de travail».
A MG-France, le Dr Martial Olivier-Koehret dénonce aussi cette «démarche de défosse de responsabilité des uns et des autres». «L'essentiel des IJ de ce pays sont justifiées, affirme le président de MG-France. Si on veut réduire ces droits, il faut le dire et l'assumer, au lieu de stigmatiser les médecins généralistes. Les prescriptions sont conformes aux données, aux structures de patientèle et aux outils qu'on a. Une grippe, un mal de dos, c'est combien de jours?» Pour le savoir, le Dr Olivier-Koehret «attend toujours un référentiel des arrêts de travail…».
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