La santé en librairie
Qui dit vieillissement dit d'abord chiffres, semble-t-il. Il en pleut autant que d'années, par exemple dans des titres qui promettent l'adresse de 4 000 maisons de retraite privées, mais aussi dans le premier chapitre d'un livre du Dr Jean-Claude Henrard ou encore au long des pages du « Guide de la retraite », de Jean-Jacques Delas et Maïté Jacquet.
L'« Annuaire France retraite » édité par la revue « Notre Temps », s'il est impressionnant d'épaisseur, avec ses milliers de maisons de retraite répertoriées, devrait constituer un outil fort utile pour les familles. Non seulement parce qu'il donne des renseignements plus ou moins complets sur les établissements, classés par département : type d'établissement, surveillance médicale, capacité d'accueil, confort, loisirs, accueil des animaux de compagnie, cadre, prix et modes de prise en charge. Mais aussi parce qu'en quelques pages sont recensées les bonnes questions à poser, les bons regards à jeter sur les lieux avant de prendre une décision, enfin, les précautions à respecter au moment de la signature du contrat.
Garder la forme
Les quelque 526 pages du « Guide de la retraite », de Jean-Jacques Aulas, pharmacien, juriste et secrétaire général d'une fondation de recherche sur les troubles du vieillissement, et Maïté Jacquet, chercheur au Conservatoire des arts et métiers, restent elles aussi très informatives. Peu de littérature, donc, dans ce gros livre revu et corrigé chaque année, mais une foule de renseignements et de conseils à lire bien avant la survenue de la retraite. Mieux vaut savoir le plus tôt possible quand et comment il est possible de prendre cette retraite, ce que la Sécurité sociale et les organismes de retraite complémentaire verseront le moment venu, quelles assurances engager, comment protéger et transmettre son patrimoine au mieux de ses intérêts.
Mieux vaut aussi commencer tôt à se préoccuper de conserver la forme, les bons centenaires se fabriquant dès les premières années de la vie. Les auteurs, dans le chapitre sur la santé, le plus gros de l'ouvrage, donnent d'ailleurs un tiers de leur attention au maintien de la forme, grâce à l'exercice physique, aux soins esthétiques - chirurgie comprise -, au sommeil de qualité, à l'alimentation ; un tiers aux « principaux problèmes de santé » classés par ordre alphabétique, un tiers aux implications administratives des soins et aux examens médicaux les plus courants. Mais ces considérations proprement sanitaires laissent toute leur place à une vie de retraité heureuse et active, relationnelle, voyageuse, associative, consciente de ses droits, dans un cadre de vie sécurisé et socialement aidé, jusqu'à l'entrée, parfois inévitable, parfois réussie, en maison de retraite, et jusqu'à la mort, que le guide n'oublie pas d'entourer de ses conseils.
Maîtriser le vieillissement
Le Dr Patrick-Pierre Sabatier, lui aussi, s'intéresse au vieillissement et s'adresse à tous les âges, sachant que les « acteurs » de ce vieillissement entrent tôt en scène : radicaux libres, prédispositions génétiques, alimentation inadaptée, agriculture et industrie modernes, pollution, défaillances hormonales s'associent diversement pour assurer aux uns un « vieillissement accéléré », aux autres, un « vieillissement naturel ».
A moins que ce vieillissement, grâce aux conseils du médecin, puisse tout simplement être maîtrisé. L'alimentation va jouer un rôle de premier plan dans cette maîtrise, à organiser au plus tôt, mais le médecin nutritionniste est fort accueillant à toutes sortes de suppléments alimentaires, compléments sportifs, médicaux et chirurgicaux, qui n'excluent pourtant pas dans son esprit l'efficacité de recours traditionnels comme le travail, l'idéal, l'amour, la joie de vivre, la sérénité...
Rester « toujours jeune », comme le propose ce dernier auteur, est sans doute un espoir délicieux, tout autant qu'un effort quelque peu désespéré pour beaucoup. Si vieillir est malgré tout inéluctable, « la vieillesse n'est pas une maladie » et il serait bon que tous s'en convainquent. Ce n'est pas chose acquise, comme en témoigne le livre du Dr Jean-Claude Henrard, médecin chef du service des consultations de gérontologie de l'hôpital Sainte-Périne, à Paris. A l'issue d'un premier chapitre consacré à l'aspect démographique du vieillissement, il ne peut en effet que souligner la « connotation purement négative » que prend la vieillesse dans tous les pays occidentaux, et « les différentes formes d'âgisme » qui se développent un peu partout. Pourtant, derrière la « vision dominante », une étude attentive décèle la grande complexité des « notions d'âge, de vieillissement et de vieillesse ». On s'aperçoit vite en effet, en suivant le chemin tracé par l'auteur, que la vieillesse est une « construction sociale » et une affaire existentielle au moins autant qu'un phénomène biologique, que rien n'est moins objectif que l'âge, tant chaque parcours, individuel et générationnel, diffère des autres, que la dépendance, si volontiers associée au grand âge, est plus difficile à définir qu'il y paraît et moins automatique qu'on le croit. On découvre aussi les failles et les incohérences de la politique médico-sociale vis-à-vis de la vieillesse comme la diversité des obstacles qui s'opposent à leur correction.
Des défis à relever
Ce constat argumenté, s'il laisse apparaître bien des difficultés et bien des questions sans réponse, n'est ni découragé ni décourageant. L'auteur en effet entend bien relever ces « défis du vieillissement » dont il a fait son titre. Le premier d'entre eux est d'ordre scientifique, certes pour essayer de comprendre comment un phénomène considéré comme aussi regrettable que la sénescence a été donné à l'homme et élargi par lui à un nombre grandissant de ses pareils, mais aussi pour rechercher comment améliorer cette période de la vie. Plus que les élixirs de jouvence rentables pour leurs promoteurs mais trompeurs pour leurs pseudo-bénéficiaires, et autant que les données fournies par les chercheurs en biologie, contribueront aux avancées nécessaires la prise en compte des déterminants psychologiques et sociaux du vieillissement ainsi que des besoins et des souhaits des personnes du grand âge. Il faudra aussi s'attaquer aux délicats problèmes de la retraite : et l'abord frontal des questions financières, les plus immédiates, mènent vite à reconsidérer les structures mêmes de nos sociétés.
Un tel programme de réflexion et d'action ne saurait se passer, comme le souligne l'auteur dans sa conclusion, d'une part, des « acteurs sociaux », et au premier chef, des 12 millions de personnes retraitées et des 2 millions de personnes du grand âge, mais aussi du corps médical, « car, selon ses orientations, il peut limiter la médecine à une approche de plus en plus technique ou maintenir une approche humaniste ».
« Annuaire France retraite », « Les Guides Notre Temps », Bayard, 756 pages, 25 euros.
« Guide de la retraite 2002 », Jean-Jacques Delas et Maïté Jacquet, Editions du Rocher, 526 pages, 21 euros.
« Toujours jeune ! », Dr Patrick-Pierre Sabatier, Réponses/Santé Robert Laffont, 345 pages, 19,70 euros.
« Les Défis du vieillissement », Dr Jean-Claude Henrard, La Découverte, Mutualité française, 234 pages, 19 euros.
Les outils d'évaluation
Curieusement, c'est dans un numéro de la revue « Gérontologie et société » sur l'évaluation en gérontologie que les chiffres sont les plus discrets. De fait, il s'agit ici pour les spécialistes et chercheurs qui signent les différents articles de ce numéro de présenter les différents outils d'évaluation utilisés actuellement en gérontologie et, en somme, de les évaluer pour mieux les utiliser. Il semble qu'il y ait encore fort à faire pour améliorer les choses dans ce domaine.
« Gérontologie et société », n° 99 (Fondation nationale de gérontologie, 49, rue Mirabeau), 286 pages, 24 euros.
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