Pourquoi vous êtes-vous intéressé à la scintigraphie dans l'investigation des maladies tropicales ?
Dr FRANCISCO BRAGA
Tout a commencé en 1985 lors de mon stage en médecine nucléaire. Les premiers malades du SIDA sont apparus. Personne ne voulait les approcher ; je m'en suis occupé. Je leur faisais des examens corps entier au gallium 67 pour rechercher l'origine de fièvre d'origine inconnue, ainsi que des examens scintigraphiques pulmonaires dans les cas de pneumopathies diffuses. L'examen scintigraphique est encore plus performant dans les cas de pneumocystoses où les clichés thoraciques ne montrent rien.
Après 1986, j'ai commencé à travailler sur des patients atteints de maladies tropicales répandues au Brésil : la lèpre, la leishmaniose, la blastomycose sud-américaine, la maladie de Chagas, la maladie de Jorge-Lobo (maladie beaucoup plus rare), les mycétomes, la neurocysticercose. J'ai également pratiqué des examens chez des patients atteints d'une maladie très répandue mais non tropicale, comme la diphtérie et la tuberculose. Malheureusement, je n'ai pas eu de patients atteints de paludisme car cette maladie ne touche pas le sud du Brésil. Pour vous faire comprendre l'importance de ces maladies, la lèpre active touche 12 millions de personnes, la neurocysticercose atteint 50 millions de gens et le paludisme, plusieurs dizaines de millions de malades.
Rappelons que toutes ces maladies sont hautement transmissibles et peuvent atteindre indirectement nos pays « riches ».
Il faut d'abord souligner que ces maladies peuvent affecter différents organes et différentes fonctions. Par exemple, la lèpre, qui se caractérise par une mycose cutanée, peut aussi affecter la fonction rénale, testiculaire, etc. Ainsi, l'investigation d'un patient peut nécessiter plusieurs examens. Pour la neurocysticercose, on va évaluer le système cérébral. Pour la blastomycose sud-américaine, il sera nécessaire de pratiquer l'examen au gallium 67 (corps entier), d'évaluer les ganglions par lymphoscintigraphie et les os par scintigraphie osseuse.
Dans la lèpre, selon les cas, on peut être amené à évaluer le processus inflammatoire par le gallium, la fonction rénale par le DTPA technétié, la fonction hépatosplénique au moyen de colloïdes technétiés et la fonction testiculaire à l'aide de pertechnétate de technétium 99m.
Tous ces examens sont faciles et disponibles dans les services de médecine nucléaire, mais ce type de malades n'y a, dans la plupart des cas, pas accès. De plus, l'administration de mon service juge ces examens trop lourds pour son budget. C'est la raison qui m'a été donnée et qui m'a obligé à arrêter l'ensemble de ces examens depuis trois ans. C'est, bien sûr, un prétexte. Ces examens ne coûtent pas chers par rapport au bénéfice qu'ils apportent au patient. La scintigraphie n'est pas la plus chère des méthodes d'imagerie ; c'est la caméra qui coûte chère.
J'avais une vieille gammacaméra planaire dont je m'accommodais ; les examens suivaient.
Au Brésil je suis -ou plutôt je l'étais - le seul à le faire de manière systématique et constante. Ailleurs, dans les Medlines, je ne vois que quelques articles publiés sur le sujet par un auteur ou un autre, mais encore rien de systématique. Peut-être existe-t-il des publications locales sur des cas isolés ? Dans les congrès, le sujet n'intéresse personne, on croirait même qu'il existe une sorte de préjugé à l'égard de la personne qui présente ce type de travaux.
En Afrique, pays fortement concerné par ces pathologies, il y a peu de moyens et les quelques services de médecine nucléaire existants préfèrent effectuer des examens destinés à des patients aisés.
Que ce sujet soit pris en compte : dans les pays riches vous avez les moyens mais pas les malades ; dans les pays en développement, on a les malades mais pas de moyens d'investigation.
J'aimerais aussi avoir des échanges d'expériences pour systématiser l'intérêt de ces études en médecine nucléaire. Je sais que ces examens sont pratiqués quelquefois dans les hôpitaux militaires en France, par exemple pour des soldats partis en mission en Afrique et qui reviennent atteints d'une de ces maladies.
Et puis, surtout je voudrais pouvoir reprendre ces examens.
Cela n'a aucune chance d'aboutir car la politique brésilienne actuelle est de fermer des lits et bientôt les hôpitaux publics pour s'orienter vers une médecine privée, ce qui aura dans tous les domaines des conséquences catastrophiques.
*Dr Braga : fjbraga@dfm.ffclrp.usp.br
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