La santé en librairie
« Entrez dans la science », comme on entre dans la danse, propose Albert Jacquard. Le « polytechnicien et éminent généticien » est convaincu en effet que tout le monde peut comprendre les sciences, même les mathématiques. Ce ne sont pas les élèves ou les citoyens qui manquent de dons, mais les enseignants qui ne savent pas s'adapter aux premiers. Loin de se limiter au vu pieux d'un scientifique et d'un enseignant généreux, cet appel à la compréhension ou la recherche de cette compréhension pour chacun est celui d'un démocrate convaincu et d'un citoyen du monde pour lequel tout gain de lucidité, toute diminution de myopie « face au réel », d'une part, signe l'appartenance à l'espèce Homo sapiens sapiens et, d'autre part, éloigne peu ou prou les dangers qui guettent l'humanité.
Joignant le geste à la parole, Albert Jacquard, conscient des limites de l'exercice, tente de « clarifier quelques concepts » et met « l'accent sur le danger de certains outils au maniement souvent mal enseigné ». En pratique, c'est de rigueur dans l'emploi des mots et de remplacement « des sensations par des concepts » que l'auteur va entretenir son lecteur. L'Univers et le Temps y prennent figure plus nette, sans que la part, mieux dessinée, de la poésie et du mystère en souffrent. Un petit plongeon dans une génétique d'évidence donne de la réalité aux questions sur les nouveaux pouvoirs de l'homme... et sur les devoirs qu'ils impliquent. Même le hasard et la nécessité, les logarithmes ou la pensée probabiliste sont mis à portée de compréhension du lecteur, qui se voit exempté pour finir d'examen et de note, mais pas de l'effort de réflexion que lui impose sa nouvelle et plus juste appréhension du réel.
Transformer une passion en vertu
Les scientifiques qui, au terme de seize séances de présentations et de débats à l'Ecole nationale supérieure de création industrielle et d'un travail collectif « intensif », ont rédigé un livre intitulé « les Progrès de la peur », semblent partager avec Albert Jacquard au moins une idée : celle selon laquelle une meilleure appréhension du réel scientifique, accessible à la plupart des citoyens moyennant une présentation simple et rigoureuse, serait gage de diminution des risques. Non tant d'ailleurs parce que cette meilleure connaissance des données de la science ferait disparaître ces peurs qui nous viennent de très loin et se portent aujourd'hui avec prédilection sur les nouvelles technologies, mais bien plutôt parce qu'elle peut transformer « cette passion (qu'est la peur) en vertu ». Alors seulement cette nouvelle peur constituera « l'élément de toute croissance et l'argument de toute sauvegarde », voire « le ciment qui permettrait aux hommes d'unir leurs forces ».
C'est avec cet objectif que sont présentées quatre grandes sources d'inquiétude actuelles : le nucléaire, le clonage, les techniques de l'information, les gaz à effet de serre. Chaque cas est abordé selon différents plans : recherche fondamentale, recherche appliquée, réglementation, représentation sociale. Ainsi, peu à peu, émergent les certitudes sur lesquelles il est permis d'appuyer les interrogations citoyennes, nécessaires, et les solutions, pour la plupart discutables.
« La Science à l'usage des non-scientifiques », Albert Jacquard, Calmann-Lévy, 225 pages, 13,90 euros (91,20 F).
« Les Progrès de la peur », sous la direction de Nayla Farouki, éditions Le Pommier, 445 pages, 24,50 euros (160,71 F).
Ce qui fait l'homme
Sur le modèle de la luminescence, de l'adolescence ou de l'efflorescence, Michel Serres a concocté une « hominescence », ou « processus... (qui) vient d'avoir lieu de notre propre fait, mais ne sait pas encore quel homme il va produire, magnifier ou assassiner ». L'auteur explore dans leurs recoins les anciennes et les nouvelles maisons de l'homme, fait éclater les nouveaux pouvoirs de ce dernier dans de grandes gerbes lyriques, cherche avec passion la philosophie nouvelle qu'appellent ces nouveaux pouvoirs et qui « n'en finit... pas de ne pas naître, hésite, vibre, tremble, clignote ». Le lecteur oscille lui aussi quelque peu, hésitant devant les dangers déployés, fasciné par ce nouvel homme insaisissable et inéluctable. Mais l'optimisme de Michel Serres le mène vers une sorte de libération.
« Hominescence », Michel Serres, éditions Le Pommier (diffusion Harmonia Mundi), 339 pages, 19,70 euros (129,72 F).
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