Théâtre
L'art sûr de Philippe Genty atteint avec « Ligne de fuite » un sommet. Il n'a plus besoin de raconter une histoire comme parfois il l'a fait. Ici, c'est la matière même de l'illusion qui est le « sujet » du spectacle. Cela décuple et les effets et le sentiment d'une pensée de plus en plus profonde, lucide. Il n'a jamais cessé de nous parler du monde. Des angoisses et des élans de l'homme. On suivait ses voyageurs, on assistait à des naissances, à des disparitions. Avec « Ligne de fuite », Philippe Genty nous offre la quintessence de sa recherche. « Ligne de fuite » est ligne d'épure. Lignes blanches, très lumineuses, qui accueillent le spectateur et que l'on retrouve, métamorphosées : ainsi ces chaises qui vont transiter plusieurs fois par le plateau, constituer l'un des nœuds de la représentation. Comme de discrètes machines à engendrer le rêve, aussi familières qu'étranges. Jusqu'à devenir inquiétantes, hostiles, même.
Ils sont dix. Six interprètes à vue, quatre manipulateurs aussi essentiels à la naissance des images et des mystérieuses transformations auxquelles nous assistons, subjugués, que l'on ait cinq ans ou quatre-vingt cinq... Philippe Genty s'appuie sur les lumières (Patrick Riou) et le son, la musique (René Aubry), contrôle au plus infime détail près les matières, les marionnettes, leurs liens (effets spéciaux de Nicholas von der Borch). Le vivant et ce qui ne l'est pas, tout ici est doué de la même « anima » et tout émerveille, enchante. Inquiète parfois.
C'est superbe. Drôle souvent. Moins angoissant que certains spectacles précédents. Comme si l'on était totalement passé, avec Genty, de l'autre côté du miroir. On a été au point même de la ligne de fuite. Là où quelque chose est englouti - une des figures de cette proposition, que ce soient les protagonistes, avalés par le centre, avec leurs chaises, ou bien que ce soient les objets, les personnages qu'avale le grand géant fascinant.
Les productions de Philippe Genty permettent toujours plusieurs types de lecture. « Ligne de fuite » fascine les enfants, divertit les adolescents. Passionne les adultes. Il y a là un réservoir de réflexion inépuisable.
Théâtre national de Chaillot, à 20 h 30 du mardi au samedi, en matinée le dimanche à 15 h (01.53.65.30.00). Durée : 1 h 30 sans entracte. Jusqu'au 31 octobre. Rencontres avec les artistes à l'issue des représentations des vendredi 17 octobre et mardi 21 octobre.
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