Le projet de loi relatif à la politique de santé publique est entré dans l'arène parlementaire. L'événement est historique, souligne-t-on au ministère de la Santé. Depuis la loi de 1902 sur l'hygiène publique, qui a institué le vaccin antivariolique, rien de fondamental n'avait été entrepris dans ce domaine. Pendant un siècle, l'Etat a réagi au coup par coup et, s'il a pris des dispositions draconiennes, c'est surtout pour apaiser des scandales (sang contaminé, vache folle) et, surtout, protéger la population contre la contamination ou l'infection. Mais toute l'attention est allée jusqu'à présent à la médecine curative. La surmortalité exceptionnelle à la française chez les 40-60 ans et les 2,3 % du budget de la santé concédés à la prévention en témoignent.
Avec la future loi, la santé publique va disposer d'un chef d'orchestre, l'Etat, qui produira une partition : tous les cinq ans, des objectifs à atteindre seront présentés au Parlement par les pouvoirs publics. « C'est l'Etat qui sera responsable » de la mise en uvre et de l'exécution de la politique de santé publique, sans toutefois que l'on puisse parler de « nationalisation ». Grâce au Comité national de santé publique, instance permanente, toute la sphère interministérielle sera appelée à s'impliquer, tandis qu'un haut conseil de santé publique occupera le champ de l'expertise. De leur côté, les usagers, les professionnels ou encore les industriels seront conviés à l'élaboration des objectifs, au sein d'une conférence nationale de santé.
Principe de résultats
La loi met l'accent aussi sur le « principe de résultats ». Désormais, « on parlera autant d'états de santé que de dépenses », affirme-t-on à la direction générale de la Santé. C'est la première fois qu'on entend doter le pays d'un ensemble de « tableaux de bord », signalant des problèmes à résoudre, qui permettront d'agir, après évaluation. Un tiers des objectifs seraient actuellement non quantifiables, faute de connaissances : c'est le cas des déterminants sociaux. Pour un autre tiers, les connaissances existent, mais le système d'information n'est pas au point (diabète). Pour le reste, à l'instar du tabagisme, les moyens et le suivi sont opérationnels. L'application de la politique choisie passera par des pôles régionaux de santé publique (PRSP). Sans « territorialisation », le regard épidémiologique perd de son acuité et les diagnostics s'en ressentent. A cela s'ajoute une indispensable « programmation » - chaque préfet aura à fournir une feuille de route à chaque PRSP - et un partenariat actif basé sur des groupements régionaux de santé publique. Ces derniers, financés par l'Etat et l'assurance-maladie, donneront des moyens et des méthodes de travail à tous les acteurs de santé.
S'il est garant de la santé publique, l'Etat n'en est pas le gérant. C'est donc tous ensemble et sur le terrain que les choses devront évoluer. La France pourrait gagner collectivement sept années de vie si elle réussissait à vaincre la surmortalité évitable.
Le projet de loi relatif à la santé publique offre, en outre, une « niche » aux menaces sanitaires et aux situations d'urgence. A la lumière des événements de l'été et des analyses qui en ont été tirées dans les rapports d'expertise et par la mission d'information parlementaire, le gouvernement a décidé d'introduire un titre intitulé « Modernisation du système de veille, d'alerte et de gestion des situations d'urgence sanitaire ». L'Institut national de veille sanitaire (InVS) est « chargé de rassembler, analyser et actualiser les connaissances sur les risques, leurs causes et leur évolution ; de détecter de manière prospective les facteurs de risque susceptibles de modifier ou d'altérer la santé de la population ou de certaines de ses composantes, de manière soudaine ou diffuse ; (et) d'étudier et de répertorier, pour chaque type de risque, les populations les plus fragiles ou menacées ».
Face à l'alerte sanitaire, il doit informer « sans délai le ministre en cas de menace pour la santé, quelle qu'en soit l'origine, et il recommande toute mesure ou action appropriée pour prévenir la réalisation ou atténuer l'impact de cette menace ». Il « propose aux pouvoirs publics toute mesure ou action nécessaire à la gestion des situations de crise sanitaire. Il effectue, dans son domaine de compétence, toutes études, recherches et actions de formation. Il met en place les systèmes d'information lui permettant d'utiliser les données scientifiques, climatiques, sanitaires, démographiques et sociales, notamment en matière de morbidité et de mortalité ». Il élabore des « indicateurs d'alerte » destinés à engager des actions de prévention précoce.
En outre, le Plan blanc hospitalier est rendu obligatoire. Il assure la mobilisation immédiate des moyens de toute nature en cas d'afflux de patients ou de victimes, ou pour faire face à une situation sanitaire exceptionnelle. Arrêté par l'instance délibérative de l'établissement de santé, il est transmis au préfet du département, au directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation et au service d'aide médicale urgente départemental. Il lui est associé, en cas de besoin, un Plan blanc élargi auquel concourront les médecins libéraux, les services de transport sanitaire, les établissements médico-sociaux et les laboratoires d'analyse de biologie médicale. Enfin, le système de remontée des certificats de décès est promis à l'informatisation. Cela permettra à l'InVS de disposer d'un indicateur de surmortalité valable, via l'INSERM, quelle que soit la cause de la crise sanitaire, identifiée ou non. La mise en place d'un tel dispositif, auquel participent les DDASS, sera progressive, mais pourra être rapide et réduire les 60 % de décès constatés à l'hôpital. Il sera coordonné avec le système de transmission de données d'état civil par les mairies vers l'INSEE.
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