EST-CE LE DÉBUT d'un vrai débat ou juste un feu de paille nourri de simples coïncidences ? Bien malin qui pourrait le dire. Mais à « J–50 », la santé a bel et bien fait une timide entrée, cette semaine, dans la campagne électorale. Dans la presse, les tribunes des experts se sont télescopées – fournissant matière à titiller les uns et les autres candidats –, Nicolas Sarkozy s'est fendu d'une nouvelle visite à l'hôpital et le Dr Dominique Voynet, jusque-là très discrète sur les questions sanitaires, est sortie du bois.
Résultat : le débat sur l'avenir du système de santé a pris un peu d'étoffe. Un tour de force quand il devait rivaliser dans l'actualité avec la crise d'Airbus, la Journée de la femme et la course aux 500 parrainages dont l'échéance – vendredi prochain, 18 heures – se rapproche sérieusement.
Dans « le Figaro » et « le Monde », les points de vue, tribunes, interpellations de tout poil se sont multipliés. Le premier titre a ouvert le feu en donnant deux jours de suite la parole à des experts sur le thème « Les Français sont-ils en bonne santé ? ». Dans ce cadre, l'ancien ministre et actuel président de la Croix-Rouge, Jean-François Mattei, le Pr Jean-Paul Escande, le Dr Gérard Apfeldorfer, Carine Milcent (chercheuse au Cnrs) ont pris la plume pour décortiquer la question sous tous les angles (santé publique, coût du système, stress de la population...) ; dans son édition de demain, « le Figaro » publie les contributions des internautes au débat.
Pleins feux sur la Sécu.
Dans « le Monde », c'est Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française, qui s'est exprimé. Certes, pour regretter que les questions de santé soient «à ce jour (…) encore largement absentes du débat présidentiel», mais aussi pour rappeler que «notre système de santé est souffrant» et interpeller les aspirants à l'Elysée sur trois points : «L'égalité d'accès aux soins, l'amélioration de la qualité de notre système de santé sur l'ensemble du territoire, le financement de nos besoins de santé.» Dans le même numéro du « Monde » (daté du 7 mars), plusieurs responsables du mouvement mutualiste et associatif ont, par le biais d'un encart, lancé un appel à signatures pour «un nouveau contrat social et solidaire». A l'ordre du jour : un financement de la protection sociale «qui ne repose plus uniquement sur le travail mais bien sur la richesse nationale». Jean-Luc Bernard, président du Ciss (Collectif interassociatif sur la santé), Jean-Paul Panzani, président de la Fédération des mutuelles de France (FMF), Marcel Royez, secrétaire général de la Fnath (victimes d'accidents de la vie), et Christian Saout, président d'Aides, sont les premiers signataires de ce texte qui défend «une véritable protection sociale solidaire et universelle». L'appel propose de créer «une véritable instance d'évaluation et de recommandation des politiques sociales et de santé» et de faire en sorte que les régimes de Sécurité sociale deviennent des «lieux concrets de représentation collective, de participation et de recours individuel des assurés».
Ses signataires estiment que «le droit d'accès à la prévention et à des soins de qualité, avec une médecine de ville réorganisée et un service public hospitalier» doit faire partie des «droits opposables». Ils veulent «repenser les termes du contrat social passé, voilà maintenant quatre-vingts ans, entre la société et les professions médicales». «Une liberté absolue d'installation, un exercice généralement isolé, un paiement à l'acte quasi exclusif, des dépassements d'honoraires trop répandus» sont autant d'« obstacles» qu'il faut «surmonter». «Les tarifs remboursables doivent être négociés et maîtrisés», poursuit l'appel.
Deux candidats à l'hôpital.
Autre lieu, autre discours. La seule candidate médecin à l'élection est pour sa part sortie de sa réserve sur les questions de santé. En déplacement dans la Nièvre, Dominique Voynet a plaidé pour le passage d'une «politique de soins à une politique de santé». Enchaînant visites à l'hôpital de Clamecy (une structure de proximité un temps menacée de fermeture, et que les derniers Sros ont décidé de maintenir ouverte pour cause d'isolement géographique) et à la maison de la santé locale de Saint-Amand-en-Puisaye, petite commune rurale, la candidate des Verts a jugé qu'il fallait «travailler sur un territoire en matière de prévention, de formation et d'éducation à la santé». Pour Dominique Voynet, ancienne anesthésiste, «il ne s'agit pas, demain, de donner toujours plus de médicaments, mais bien d'intervenir mieux, en amont, sur les pathologies qui sont de plus en plus liées aux modes de vie et à l'environnement». La candidate écologiste a insisté par ailleurs sur «la nécessité de trouver des médecins pour les zones rurales», ainsi que sur celle «d'impliquer davantage les usagers» dans le débat sur la santé.
Un autre hôpital a reçu cette semaine la visite d'un candidat : Henri-Mondor, à Créteil (Val-de-Marne), où s'est rendu Nicolas Sarkozy en compagnie de son porte-parole et ministre de la Santé, Xavier Bertrand, afin de rencontrer les personnels. Au menu : effectifs, salaires, carte sanitaire, carrières, la question des bras cristallisant manifestement l'inquiétude des professionnels. «Il y a de moins en moins de gens, qui travaillent de plus en plus», a déploré un infirmier. Quand Nicolas Sarkozy se déclare «persuadé que l'on va devoir mettre plus d'argent pour notre santé», son auditoire acquiesce, mais continue de s'interroger.
«Arrêtez de supprimer des postes dans les hôpitaux!», lance aux deux ministres une aide-soignante de FO, qui souligne que, à Henri-Mondor, en raison d'un effectif insuffisant, «il y a 60000jours dus (RTT, fériés et autres) qui ne peuvent être pris, et (que) cela équivaut à 300emplois». «Pour prendre leurs jours, les agents sont obligés de se remplacer mutuellement, d'où l'impossibilité de le faire», renchérit un autre.
Le candidat de l'UMP fait son diagnostic : il y a, dit-il, un «gigantesque, un formidable problème de carte hospitalière, parce que si l'on veut garder tous les hôpitaux n'importe comment, naturellement, quel que soit le ministre, de gauche, du centre, de droite, il répartira juste la pénurie (de personnel) parce que l'on n'aura pas eu la volonté de choisir». Losqu'il qualifie d' «aberration» les 35 heures «dans un établissement ouvert 365jours par an 24heures sur 24», il s'attire aussitôt cette question : en cinq ans de gouvernement, «pourquoi ne les avez-vous pas supprimées?»«C'est très simple, rétorque Nicolas Sarkozy. Pourquoi je veux devenir président? Parce que j'ai compris quelque chose, c'est que le pouvoir était là!» Le candidat UMP a également profité de sa visite à Henri-Mondor pour regretter qu'il y ait «un problème considérable de dialogue social dans les hôpitaux». Or, a-t-il ajouté, l'hôpital «ne peut pas rester immobile dans une société qui bouge». Dans un tout autre registre et pour l'anecdote, Nicolas Sarkozy a promis sur Canal + qu'il publierait des bulletins de santé s'il était élu président de la République.
Des poids lourds au MEDEC
Preuve que la santé est un sujet qui monte, à l'occasion de la conférence inaugurale du MEDEC, consacrée aux « regards croisés » des différents partis sur l'avenir du système de santé, ce sont certains candidats eux-mêmes qui vont exposer leur programme au public et répondre aux questions. Entre 10 heures et midi, François Bayrou puis Nicolas Sarkozy vont se prêter à l'exercice. Dominique Voynet est également pressentie tandis que, pour le PS, c'est Pascal Terrasse, porte-parole de Ségolène Royal pour la santé, qui sera présent.
Le MEDEC se tient du 14 au 16 mars au palais des Congrès de Paris.
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