L'UN VEUT RÉDUIRE les coûts, l'autre assurer tous les Américains. Sur la santé, l'éléphant (emblème du parti républicain) et l'âne (emblème du parti démocrate) ne partagent qu'une seule chose : l'état des lieux. Leur système de santé, disent-ils l'un et l'autre, est le plus cher et le moins efficace des grands pays industrialisés – constat pour le moins déplaisant dans l'esprit d'un futur président. «Pour se soigner, on dépense pour chaque individu le double de la France et du Canada, car notre système de santé est inefficace», déplore Barack Obama. «Le plus gros problème du système de santé est qu'il coûte trop cher. Les entreprises et les familles paient chaque année davantage pour obtenir une attention et des soins peu satisfaisants», s'indigne John McCain.
Fin des points communs. Car, pour le reste, un océan sépare les programmes des deux hommes. En comparaison, une feuille de papier à cigarette aurait pu – et encore ! – se glisser l'an dernier entre les promesses de Ségolène Royal et celles de Nicolas Sarkozy pour réformer le système sanitaire français et rétablir l'équilibre des comptes de la Sécu.
Une autre échelle.
Admettons que la situation de départ n'est pas du tout la même. Question d'architecture et question d'échelle. Aux États-Unis, 47 millions de personnes – et ce nombre a sensiblement augmenté durant les huit années de George W. Bush au pouvoir – n'ont pas accès à une couverture santé, qu'elle soit publique ou privée (voir encadré) : 15,8 % de la population est ainsi totalement hors assurance. Parmi ces exclus du système, il y a de nombreux enfants – 8,7 millions exactement, ce qui correspond à plus d'un enfant américain de moins de 18 ans sur dix – mais très peu de personnes âgées – grâce au programme Medicare, 1,5 % des plus de 65 ans seulement sont sans couverture, ce qui représente tout de même 541 000 personnes. Pour schématiser, c'est plutôt sur ces données relatives aux « trous de couverture » que Barack Obama fonde son programme santé.
Son adversaire républicain regarde, lui, d'autres chiffres, et d'abord celui-ci : les dépenses de soins par habitant aux États-Unis s'élèvent à 6 102 dollars (4 452 euros). C'est deux fois plus qu'en France. Et c'est particulièrement cher payé pour des résultats peu satisfaisants (l'espérance de vie à la naissance, par exemple, est de 77,2 ans outre-Atlantique, contre 79,6 ans en France – chiffres de 2004). Pire, à architecture constante, les choses ne vont pas s'arranger : selon une étude des services fédéraux publiée en février dernier, les dépenses de santé aux États-Unis, assumées à 46 % par l'État, devraient dépasserles 4 000 milliards de dollars (2 500 milliards d'euros) en 2017 – en 2006, elles étaient de 2 100 milliards de dollars (1 300 milliards d'euros).
Que propose John McCain pour renverser l'implacable vapeur ?
De rendre les soins plus abordables en favorisant encore la concurrence sur le marché du médicament, en autorisant les réimportations et en accélérant le développement des génériques. Quant à la couverture des Américains, le Républicain ne dévie pas de la doctrine libérale. «L'État, dit-il, n'a pas à tout régenter dans le domaine de la santé.» Il n'abandonne pas pour autant les laissés-pour-compte de l'assurance-maladie à leur triste sort. «Se soigner aux États-Unis devrait être abordable pour tous et pas seulement pour les plus riches, expliquait John McCain en avril, lors d'une visite de campagne dans un centre anticancéreux. Cela devrait être accessible à tous et pas seulement selon l'endroit où vous travaillez ou ce que vous gagnez.» Aux familles les plus pauvres, John McCain propose un crédit d'impôts de 5 000 dollars (3 200 euros) afin de les aider à accéder aux assurances privées. L'idée est que certains foyers préféreront s'assurer eux-mêmes sur cette base plutôt que par l'intermédiaire de leur entreprise, et selon les modalités qui leur conviennent le mieux (leurs contrats pourraient porter sur le dentaire mais pas sur l'optique, par exemple). La compétition sera plus forte entre les assureurs santé américains, et les primes (aujourd'hui hors de prix) demandées aux Américains baisseront, calcule John McCain.
« Plan for a healthy America ».
Dans le camp d'en face, le programme santé, baptisé « Plan for a healthy America » est tout autre. La mesure la plus spectaculaire proposée par Barack Obama est l'instauration d'une couverture santé universelle, une extension du système fédéral actuel (à l'origine, en 1965, une invention démocrate) qu'il imagine à deux vitesses : obligatoire pour les enfants, incitative pour les adultes. Des frais supplémentaires en perspective, financés, suggère le candidat démocrate, par la suppression des cadeaux fiscaux et par un renforcement des politiques de dépistage et de prévention (« We don't have a healthcare system, we have a diseasecare system », déclarait-il en jouant sur les mots lors d'un meeting dans l'Iowa). Barack Obama veut un programme public qui allégera les frais d'assurance santé des particuliers comme des PME. L'idée est de pousser les employeurs à souscrire des assurances subventionnées pour leurs salariés, et les Américains enchaînant des emplois intermittents à signer eux-mêmes des contrats aidés. Le démocrate insiste parallèlement sur la réduction des coûts, arguant que, «si les gens n'ont pas d'assurance, c'est parce qu'ils n'en ont pas les moyens». Sur ce chapitre, le candidat n'est pas tendre avec l'industrie. Il accuse les lobbies pharmaceutiques et médicaux d'avoir «dépensé 1 milliard de dollars pour empêcher (la) réforme de l'assurance santé» portée il y a quinze ans à la Maison-Blanche par son ex-rivale démocrate, Hillary Clinton.
Le match, qui se finit en novembre, ne fait que commencer. Dans la catégorie « santé », l'âne semble pour l'instant écraser l'éléphant : dans un sondage « Washington Post » – ABC News, publié le 13 mai, les Américains jugeaient à 55 % contre 31 % que Barack Obama était plus à même que John McCain de s'atteler au dossier de l'assurance santé.
Au pays des chers assureurs privés
Chez l'oncle Sam, l'organisation du système de santé est très particulière. Assurances publiques et privées cohabitent selon un modèle qui n'a rien à voir avec le nôtre. Les programmes de financement publics, s'ils pèsent 7 % du PIB, ne concernent qu'une partie de la population : les plus de 65 ans – soit quelque 40 millions de personnes – sont couverts par Medicare, les défavorisés – 50 millions d'Américains – sont pris en charge par Medicaid ; les anciens combattants, les Indiens... ont aussi des couvertures publiques.
Mais le gros de la population – 160 millions de personnes – est assuré par des compagnies privées dans un marché totalement concurrentiel. Via les MCO (Managed Care Organizations), les assureurs font la plupart du temps entrer leurs clients dans des filières de soins plus ou moins rigides. Les Américains peuvent souscrire leurs plans d'assurance santé à titre individuel ou bien – et c'est ce qu'ils font le plus souvent – par le biais de leur employeur. Ces dernières années, les primes d'assurance santé ont explosé aux États-Unis (+ 78 % entre 2001 et 2007).
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