Le Premier ministre présente aujourd'hui les grandes lignes de son texte sur la décentralisation

La santé n'est pas l'enjeu prioritaire du projet de loi de Jean-Pierre Raffarin

Publié le 27/02/2003
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La décentralisation, annoncée comme un des chantiers emblématiques de la législature, négligera-t-elle la santé ?

Il serait exagéré de l'affirmer, alors même que Jean-Pierre Raffarin doit lancer aujourd'hui à Rouen, en clôture des Assises des libertés locales, la phase législative de cette réforme, dont il précisera le calendrier. Une réforme constitutionnelle pour laquelle l'Assemblée nationale et le Sénat se réuniront en Congrès, à Versailles, le lundi 17 mars, étape indispensable avant l'adoption d'une loi organique relative au droit à l'expérimentation, au référendum local ou à l'autonomie financière.
On peut en tout cas nourrir de sérieux doutes sur l'avenir de la décentralisation de la santé à court terme. Même si Jean-François Mattei participe au déplacement à Rouen, avec plusieurs autres ministres (Equipement, Fonction publique, Outre-mer...), la décentralisation appliquée à la santé et au système de soins n'arrive certainement pas au premier rang des préoccupations gouvernementales . « Honnêtement, la santé n'est pas un des thèmes centraux de la journée, confirme-t-on au ministère de l'Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales, qui pilote cette réunion nationale de synthèse. Le RMI, l'action sociale, la formation professionnelle, les routes, le développement économique, ça oui... »
Au ministère de la Santé, on confirme qu' « aucune intervention particulière de Jean-François Mattei » n'est prévue. Ce qui ne veut pas dire que la santé sera absente des débats, car le Premier ministre doit annoncer lui-même une série d'expérimentations limitées confiées notamment aux régions.

Freins locaux

De fait, la décentralisation de la santé, c'est-à-dire le transfert de compétences et non pas la simple déconcentration des pouvoirs de l'Etat, se heurte toujours à de multiples blocages et réticences.
Si l'on cite volontiers la région comme l'échelon le plus pertinent pour répondre aux besoins de santé de la population, la majorité des conseils régionaux ne bondit pas de joie à l'idée d'exercer de nouvelles responsabilités dans le domaine de la santé, faute de savoir-faire et d'expérience.
A gauche, on redoute une décentralisation-alibi qui « permettrait à l'Etat de se défausser sur les régions ». On craint aussi que les expérimentations ne causent une rupture d'égalité entre assurés. Mais plus qu'un rejet absolu de la décentralisation de la santé, c'est l'attentisme et une extrême prudence qui prévalent chez les élus locaux. A cet égard, en dehors de quelques exceptions notables, les conseils régionaux ne se distinguent guère par la promotion de programmes sanitaires.
Sur le fond, l'intérêt même de la régionalisation de la politique de santé est mis en doute noir sur blanc. Le groupe de travail sur la « nouvelle gouvernance », confié par Jean-François Mattei à Rolande Ruellan, a rejeté « unanimement toute idée de régionalisation politique de la santé et de l'assurance-maladie », redoutant le risque de « 26 politiques de santé » différentes. « La régionalisation n'est pas une source d'économies », tranchait également le rapport. Une analyse que partagent, à mots couverts, de nombreux parlementaires de la majorité. Pour François Goulard, député UMP du Morbihan, « on retrouvera les mêmes difficultés dans les régions ».

S'attaquer à la bureaucratie

Ceux qui plaident pour une décentralisation radicale, à l'UDF par exemple, ont pourtant des arguments bien rodés. En substance, le transfert de compétences à un « exécutif sanitaire » local , disposant de moyens financiers, permettrait de développer une politique de santé de proximité moins inégalitaire, de mieux prendre en compte les indicateurs locaux (morbidité, mortalité), de décloisonner les soins de ville et l'hôpital et, surtout, de rendre les acteurs plus responsables en levant au passage les blocages de la bureaucratie parisienne, par exemple, pour accélérer l'achat des équipements lourds.
Mais cette très séduisante construction se heurte, pour l'instant, à la formulation de solutions appropriées et consensuelles.
Le droit à l'expérimentation devrait permettre de lancer une dynamique. Le fait que les caisses et les professionnels de santé sont déjà largement organisés à l'échelon régional y contribuera aussi. Enfin, le groupe de travail sur la « médicalisation de l'ONDAM » (Objectif national de dépenses d'assurance-maladie), confié par Jean-François Mattei à Alain Coulomb, pourrait proposer des mesures concrètes, comme la décentralisation des objectifs de dépenses.

Cyrille DUPUIS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7284