DE NOTRE CORRESPONDANT
«LE SECTEUR de la santé présente un potentiel de valeur ajoutée, de croissance et de création d'emplois, grâce à l'appui des entreprises privées», déclarait le 15 janvier dernier le conseiller responsable de la santé dans le gouvernement régional conservateur de Madrid, Juan José Güemes, lors d'une rencontre avec le président de la Confédération des entreprises de Madrid (CEIM), Arturo Fernández. Celui-ci rebondissait : «Nous, les chefs d'entreprise, nous pourrons participer à la construction et au fonctionnement des nouveaux hôpitaux à Madrid» – quatre seront en effet construits pendant la prochaine législature.
A quelques semaines des élections générales en Espagne, prévues le 9 mars prochain et dans lesquelles le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero espère renouveler sa majorité actuelle, la politique de santé revenait avec force au centre du débat électoral, à jeu égal avec les polémiques sur la lutte antiterroriste et sur la meilleure politique économique à suivre.
Un débat d'autant plus vif que le gouvernement régional de Madrid, tenu par le Parti populaire (opposition conservatrice au niveau national), est régulièrement accusé de privatiser progressivement le système public de santé, omniprésent en Espagne à côté d'un secteur privé ouvert à ceux qui payent une mutuelle complémentaire aux cotisations de la Sécurité sociale.
Les urgences sous tension.
Le 23 janvier dernier, Juan José Güemes relançait ce débat en déclarant que, dans les six nouveaux hôpitaux de la région dont l'ouverture, prévue initialement au printemps 2007, est maintenant annoncée pour mars et avril prochains, le plan de rétribution permettra aux professionnels de santé d'augmenter leur salaire grâce à «une rétribution variable favorable aux employés qui réussiront à réduire ou à contrôler les coûts en examens pour les diagnostics et en frais pharmaceutiques».
Dans ces nouveaux établissements, le personnel administratif et d'entretien, les agents techniques et le personnel de service ne dépendront plus du gouvernement régional mais des entreprises privées qui sont aussi propriétaires des bâtiments.
Après cette annonce, la porte-parole du Parti socialiste espagnol (PSOE), Maru Menendez, réagissait en affirmant que «les médecins des nouveaux hôpitaux ne voudront pas gagner plus au dépens des soins dus aux patients». Et l'Association pour la défense de la santé publique mettait en garde contre «les tensions qui peuvent apparaître entre les médecins et les malades si ceux-ci croient que les décisions des professionnels peuvent être liées à quelques avantages financiers».
De même, le responsable des affaires économiques et de l'emploi au Parti populaire, Miguel Arias Cañete, a expliqué le 7 février l'affluence aux services d'urgences dans les grands hôpitaux de Madrid par la présence d'une population immigrante. Les lits installés provisoirement dans les couloirs des urgences de plusieurs hôpitaux font régulièrement la une de la presse nationale.
Le système public de santé en Espagne connaît actuellement des tensions, «avec les urgences saturées parce que les immigrés ont découvert la grandeur du système national de santé, selon Miguel Arias Cañete. Bien sûr, quelqu'un, qui en Equateur doit payer pour une mammographie l'équivalent de neuf mois de salaire, arrive ici aux urgences et on la lui fait en un quart d'heure». Les réactions à ces déclarations ont été vives dans les rangs du PSOE.
Depuis 2002, les gouvernements régionaux en Espagne gèrent entièrement le secteur de la santé ; et depuis l'arrivée des socialistes au gouvernement en avril 2004, la politique de santé de la région de Madrid fait souvent les gros titres de la presse – les responsables de la politique de santé madrilène dirigent d'ailleurs la fronde des régions tenues par l'opposition. Ainsi, le 12 décembre 2007, les pilotes de la santé des régions gouvernées par le Parti populaire ont abandonné le Conseil interterritorial de la santé, chargé de coordonner les initiatives des différentes régions et présidé par le ministre espagnol de la Santé, Bernat Soria.
Autre dossier d'actualité : le 21 janvier, la justice espagnole déclarait définitivement innocents de toute accusation de «mauvaise pratique médi-cale» l'ancien coordinateur des urgences de l'hôpital Severo Ochoa de Leganés (banlieue sud de Madrid) et plusieurs de ses collaborateurs. Ces professionnels avaient été écartés de leur poste de travail en mars 2005 par le gouvernement régional, accusés d'avoir pratiqué plus de 300 sédations abusives sur des malades en phase terminale dans cet hôpital. Cette affaire avait notamment mis en évidence la répartition inégale des soins palliatifs entre les différentes régions espagnoles.
La justice s'en mêle.
Enfin, le débat autour d'une réforme de la loi en vigueur sur l'avortement a été rouvert en décembre 2007, quand des cliniques à Barcelone ont été accusées de pratiquer des interruptions de grossesse non autorisées par la loi. A Madrid, des inspections ont été effectuées et deux cliniques ont été fermées ; une vingtaine de femmes qui avaient avorté en février 2007 dans une des cliniques incriminées ont dû se présenter devant le juge, à titre de témoins. Devant cette situation, les cliniques privées réalisant les avortements ont fermé leurs portes entre les 8 et 12 janvier dernier, pour réclamer «une plus grande protection juridique pour les femmes et les professionnels», selon les termes employés par Eva Rodriguez Armario, présidente de l'Association des cliniques accréditées pour les interruptions de grossesse.
Le PSOE, qui refusait jusqu'à présent d'envisager une modification de la loi, a promis d'intervenir pendant la prochaine législature. Car, en Espagne, l'avortement est autorisé dans trois cas : viol, malformation du foetus et risque physique ou psychique pour la mère – cette dernière justification est utilisée dans près de 97 % des 90 000 avortements pratiqués chaque année dans le pays, mais presque toutes les interventions se font dans des cliniques privées, puisque les professionnels du système public de santé peuvent invoquer «l'objection de conscience».
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