LE PRÉSIDENT de la République l'a affirmé en recevant les ONG (organisations non gouvernementales) et les collectivités locales lors d'une réunion préparatoire, la semaine dernière : « Le G8 a un rôle d'impulsion. Ce n'est pas un directoire du monde. Il n'a pas vocation à se substituer aux institutions multilatérales, à commencer par les Nations unies. Sa légitimité découle du poids économique de ses membres, qui leur confère une responsabilité particulière pour promouvoir la croissance et l'emploi et rechercher des réponses aux grands défis de notre temps : le défi de la solidarité, notamment vis-à-vis de l'Afrique ; le défi de la responsabilité, pour humaniser ou maîtriser la mondialisation. »
Le sommet des huit pays les plus industrialisés (Royaume-Uni, France, Russie, Allemagne, États-Unis, Japon, Italie et Canada), qui s'ouvre aujourd'hui en Ecosse, rend compte de la lente évolution qui a marqué les conceptions de l'aide à la fin des années 1990. L'exigence d'une solidarité internationale et d'une mise en place de mécanismes correcteurs pour contrer les inégalités engendrées par la mondialisation de l'économie a peu à peu remplacé l'ancien principe du « Trade and not aid » (du commerce et pas d'aide) qui prévalait alors.
En septembre 2000, la Déclaration du Millénaire adoptée par l'Assemblée mondiale des Nations unies inscrit, pour la première fois, la lutte contre la pauvreté et les grandes pandémies comme le sida et le paludisme dans l'agenda international. Quelques mois plus tard, à l'initiative de Kofi Annan, le Conseil de sécurité de l'ONU puis le sommet du G8 entérinent le principe de la création d'un Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, qui verra le jour en janvier 2002 avec pour objectif le financement de l'action internationale.
Pourtant, s'il existe aujourd'hui un consensus international sur la nécessité d'accroître l'aide au développement, notamment pour lutter contre les grandes pandémies, les moyens pour y parvenir sont encore l'objet de controverses.
Les raisons d'un soutien à l'Afrique ont été clairement identifiées. L'Afrique subsaharienne est la seule région du monde qui s'est appauvrie au cours des dernières décennies et sa participation au commerce international a diminué de moitié entre 1980 et 2002. C'est aussi la région qui paye le plus lourd tribut à l'épidémie du sida, avec 26 millions de personnes infectées, tandis que le paludisme y est le plus gros pourvoyeur de décès chez les enfants.
Un plan Marshall pour l'Afrique.
Tony Blair milite pour un « plan Marshall pour l'Afrique » avec trois objectifs : effacer la dette des pays pauvres, doubler l'aide au développement, de 50 à 100 milliards de dollars par an et supprimer les barrières protectionnistes des pays riches. L'annulation « historique » de la dette multilatérale de dix-huit pays pauvres décidée par les ministres des Finances du G8, réunis les 9 et 10 juin derniers à Londres, a été saluée comme une mesure « symbolique » forte mais n'apportera pas les ressources suffisantes. Pour atteindre le deuxième objectif, le ministre britannique des Finances, Gordon Brown, propose que les pays riches s'engagent sur un calendrier qui porterait leur contribution à l'aide publique au développement (APD) à 0,7 % de leur PIB d'ici à 2015, comme l'a déjà fait l'Union européenne. Les Britanniques proposent de mettre en place une Facilité financière internationale (FFI), structure complexe d'emprunt obligataire, qui serait destinée à financer l'aide aux pays pauvres. Une FFI pilote, limitée au financement d'un programme de vaccination, mise en place par la Grande-Bretagne, la France et la Suède, devrait voir le jour prochainement, en dépit de la forte opposition des Etats-Unis.
La France, pour sa part, a choisi l'aide multilatérale, avec, comme instrument principal de son engagement multilatéral, l'outil que constitue le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Elle a été la première à annoncer un doublement en deux ans de sa contribution d'ici à 2007, de 150 à 300 millions euros. Le processus de reconstitution du fonds est en cours et s'achèvera lors de la conférence de Londres les 5 et 6 septembre.
Cependant, le sommet du G8 constitue de ce point de vue une étape importante. La France doit y soutenir sa proposition d'une taxe internationale volontaire ou obligatoire sur les billets d'avion. La mesure, examinée par une commission à la demande des quinze ministres des Finances de l'Union européenne, consiste à prélever une taxe de 5 euros environ sur chaque billet d'avion avec un bénéfice de 2 à 5 milliards par an. Le rapport de la commission conclut qu'une telle taxe serait « neutre sur le plan économique, n'entravant pas le fonctionnement du trafic aérien, positif en termes écologiques et efficace du point de vue de l'affectation des ressources », affirme le porte-parole de l'Élysée, Jérôme Bonnafont. La proposition a reçu le soutien de pays comme le Brésil, le Chili ou l'Algérie, l'Afrique du Sud, mais se heurte également à l'hostilité américaine.
Bilatérale plutôt que multilatérale.
Les Etats-Unis, qui restent le plus important donateur du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ont choisi la stratégie de l'aide bilatérale. En plus du Fonds gouvernemental américain (Pepfar) de 15 milliards sur les cinq prochaines années, lancé en 2003 pour financer la lutte contre le sida dans quinze pays, George W. Bush a annoncé un projet de 1,2 milliard de dollars sur cinq ans pour lutter contre le paludisme. Son administration a par ailleurs affirmé que l'objectif des Etats-Unis était de doubler l'aide américaine à l'Afrique entre 2004 et 2010 pour la faire passer de 4,3 à 8,6 milliards de dollars par an. « Les Etats-Unis sont les premiers en termes d'aide au développement et humanitaire, en donations du secteur privé et caritatives ainsi que pour le développement économique », a indiqué Steve Hardley, conseiller pour la Sécurité nationale de la présidence américaine.
Mais certains soulignent que si les 19 milliards de dollars annuels alloués par les Etats-Unis sont en chiffres absolus, la plus forte contribution à l'APD, ils ne représentent que 0,16 % du PIB américain, ce qui est inférieur aux 0,87 % de la Norvège. L'autre reproche formulé à leur encontre est de faire cavalier seul et d'assortir leur aide de conditions qui leur sont favorables. « Après des années de colonisation, de marxisme et de racisme, l'Afrique est au seuil de grands progrès », a déclaré Georges Bush. Vaincre l'extrême pauvreté « demande un partenariat, pas le paternalisme. Le développement économique n'est pas quelque chose que nous faisons pour les pays concernés, c'est quelque chose qu'ils font avec nous. Leurs dirigeants doivent jouer le rôle principal pour favoriser les réformes et les progrès et ne pas recevoir passivement l'argent ».
Les discussions de Gleneagles sont d'ores et déjà attendues dans la perspective du sommet du Millénaire qui examinera les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs 2005, les 14 et 15 septembre prochain à New York.
Lire aussi :
> Bush appelle la science au secours du climat (06/07/05)
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature