SELON LES CONCLUSIONS d'une étude publiée dans le journal européen « Human Reproduction »*, la possibilité pour les enfants nés par insémination artificielle de connaître l'identité du donneur de sperme ne serait dommageable ni pour eux, ni pour leur père biologique.
Dans cette étude prospective, la première à examiner la question de l'identité du donneur, quatre sur cinq des 29 adolescents interrogés (âgés de 12 à 17 ans, dont les deux tiers sont des garçons) se sont dit susceptibles de demander, à l'âge adulte, l'identité de leur père biologique afin de le rencontrer. Mais une très petite minorité considèrent que le père peut devenir une personne importante dans leur vie et aucun des adolescents n'a manifesté l'intention de lui demander une compensation financière. Un seul porte un regard négatif sur sa conception.
Les jeunes gens qui ont pris part à l'étude étaient, pour 40 %, enfants de couples lesbiens ; 38 % ont été élevés par une mère seule et 21 % par un couple hétérosexuel. Tous connaissaient l'histoire de leur origine, sinon dès les premières années, en tout cas à dix ans. A l'âge adulte, ils choisiront ou non de connaître l'identité de leur père biologique.
Le principal motif des adolescents qui souhaitent rencontrer leur père biologique (83 %) est la curiosité. Pour beaucoup d'entre eux, c'est aussi la possibilité d'en apprendre plus sur eux-mêmes. Selon le Dr Joanna Scheib (université de Californie), qui a dirigé l'étude dans le cadre d'un programme poursuivi par la banque de sperme de Californie, si les adolescents ont envie de connaître leur père biologique, ils sont en même temps très conscients de la nécessité de respecter son intimité et de ne pas perturber sa vie privée.
« Ces résultats indiquent que l'inquiétude stéréotypée qui serait, pour les donneurs, de voir ressurgir leur progéniture, est infondée et ne reflète pas les intentions des jeunes de se démarquer du processus d'identification », explique le Dr Scheib, qui souhaite poursuivre les investigations lorsque les adolescents, devenus adultes, rencontreront effectivement le donneur. « L'étude montre que lorsqu'on apprend assez tôt aux jeunes l'origine de leur conception et qu'on leur donne, à l'âge adulte, la possibilité d'en savoir plus sur leur père biologique, ils manifestent une saine curiosité. Ils ne recherchent pas l'image d'un père : ils veulent surtout mieux se connaître eux-mêmes et, si le cas se présente, avoir un lien d'amitié avec quelqu'un de plus âgé. »
Des résultats rassurants.
L'étude précise par ailleurs que la plupart des adolescents ne ressentent pas de gêne à partager l'histoire de leur origine avec des proches, amis ou professeurs. En plus de leur intérêt pour le donneur, ils expriment le souhait de rencontrer d'autres enfants du même donneur. Les enfants élevés par des mères seules ont une image globalement positive de leur conception, tandis que la présence de deux parents (hétérosexuels ou non) semblent diminuer l'intérêt qu'ils portent au donneur. Enfin, lorsqu'ils sont interrogés sur leur vision du donneur idéal, ils l'imaginent comme quelqu'un de bon avec un esprit ouvert. « Un nombre croissant de centres d'insémination artificielle propose, comme aux Etats-Unis, de révéler l'identité du donneur (pour les donneurs qui l'acceptent) », souligne le Dr Scheib. La Grande-Bretagne devrait ouvrir cette possibilité d'ici à avril prochain. « Bien que cette étude comprenne un échantillon restreint, les résultats sont rassurants aussi bien pour les enfants que pour les donneurs », conclut-elle.
* « Adolescents With Open Identity Sperm Donors : Reports from 12-17 Years Old », « Human Reproduction », 11 novembre.
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